ART | INTERVIEW

Interview
Par Aude de Bourbon et André Rouillé

Paris-art. Quelles sont vos attentes pour la Fiac 2004 ?
Jean-Daniel Compain. L’important aujourd’hui pour la FIAC est d’avoir une approche un peu différente de celle que l’on a eue par le passé et différente de ce que font d’autres foires comme celles de Bâle, d’Arco ou de Frieze. Cette année, on a mis en place beaucoup de nouvelles initiatives. Mais il faut aussi savoir anticiper sur les énergies en France et à l’étranger, voir quels sont les rapports entre l’art et d’autres secteurs comme la mode ou le design et quels sont également les liens possibles entre l’art et l’entreprise — question à laquelle je suis très attaché car il y a un potentiel énorme en France de ce côté-là.

Que pensez-vous de la nouvelle loi mécénat qui rentre cette année en vigueur ?
Elle conforte ce que je dis. En tant que foire, notre rôle est d’aider les galeries, donc les artistes, à trouver de nouveaux débouchés. Il y a un potentiel immense en France. L’année dernière, des chefs d’entreprise qui découvraient la FIAC ont réalisé qu’il était intéressant de démarrer une collection d’entreprise. Mais la plupart sont perdus, ne sachant comment s’y prendre. Nous avons donc mis en place cette année un club qui leur permettra d’être informés sur les modalités de la loi mécénat. Il y aura des conférences et des rencontres avec d’autres entreprises ayant constitué une collection.

Vous souhaitez de créer une vraie relation entre galeries et entreprises.
Je souhaite simplement que les galeries repartent contentes de la FIAC, c’est-à-dire qu’elles aient trouvé de nouveaux clients, ou rencontré des chefs d’entreprises qui sont des acheteurs potentiels. Il y a beaucoup de grosses PME en France qui sont prêtes, pour peu qu’on les conseille et qu’on les guide, à se lancer dans cette aventure plutôt que de dépenser leur argent en opérations de communication dont les retombées sont finalement très faibles. L’objectif est de leur donner envie d’acheter, et de leur montrer que cette envie peut ne pas leur coûter aussi cher qu’ils le pensent.

Cela veut-il dire qu’il y a un manque de collectionneurs en France ?
Contrairement à ce qui se dit, il y a beaucoup de collectionneurs en France. Mais c’est en comparaison avec le marché anglo-saxon, où la démarche des collectionneurs est beaucoup plus visible, que cette idée circule. Chez les Anglo-Saxons, il existe des règles fiscales plus favorables pour montrer les œuvres ou les prêter. Notre rôle est de donner aux gens le désir de venir, notamment à ceux qui ont un a priori défavorable à l’art contemporain, et qui ne font pas toujours la différence entre l’art moderne et l’art contemporain.

Quelle est la pertinence de Futurquake par rapport à Perspective ?
Futurquake n’accueille que des galeries de moins de quinze ans d’existence qui ne doivent pas vendre des œuvres à des prix supérieurs à 5000 euros. Alors qu’on peut être dans Perspective tout en ayant quinze ans d’existence et en étant pleinement installés dans le monde de l’art. Perspective, qui a légèrement évolué, accueille aujourd’hui des projets très forts, la plupart du temps des one man show.

Croyez-vous pouvoir imposer l’idée qu’une jeune galerie est plus novatrice qu’une galerie plus établie ?
Non, la jeunesse ne suffit pas. Un collectionneur recherche d’abord les grandes galeries d’art moderne et contemporain et des artistes reconnus. Mais il attend peut-être aussi d’une foire qu’elle lui permette de découvrir un artiste en train d’émerger dans une galerie qui démarre. Il ne faut pas tomber dans la facilité de ne prendre que des galeries confirmées. L’un des objectifs de la FIAC est aussi de servir de tremplin aux jeunes galeries qui ont des talents, et de l’énergie.

Cela donne en plus une très bonne image à la FIAC…
Certainement, mais nous ne l’avons pas fait pour cela. Ce que les gens veulent, lorsqu’ils se rendent dans une foire ou un salon, c’est avoir une vue d’ensemble de ce qui se passe sur le marché, or la jeune création en fait partie et représente peut-être l’art de demain.

Quels sont les tarifs des stands pour ces jeunes galeries ?
Les galeries participant à la FIAC payent 100 euros au mètre carré, une galerie sur Futurquake paie 60 euros, ce qui veut dire que nous finançons les 40 euros de différence. Mais savoir investir sur l’avenir est nécessaire pour redynamiser la FIAC. Ceci est également vrai pour Perspective où il y a également un tarif forfaitaire spécial qui fait que la participation financière est moins lourde que celle des grandes galeries. La fondation Ricard participe avec nous au co-financement de cette différence.

Reed exposition organise plusieurs salons. Pouvez-vous comparer les salons de loisir avec la FIAC, en terme de poids économique ou en terme de marché ?
C’est difficile car ça regroupe beaucoup de secteurs. Le poids économique du marché de l’art a quelque chose d’inquantifiable car il n’y a pas de statistiques, alors que presque tous les marchés industriels ou de services ont des statistiques assez précises. En ce qui concerne le poids économique de l’art, je voudrais qu’on m’explique comment on peut prétendre le quantifier.

Est-il possible d’établir une comparaison avec Paris Photo qui a un peu le même fonctionnement que la FIAC ?
Les salons de la photo étaient impensables il y a dix ans. Aujourd’hui, la photo d’art est en essor et se stabilise. Elle est plus abordable et plus facile d’accès que l’art contemporain. Un salon qui ne répond pas à un besoin du marché n’existe pas longtemps et Paris Photo fonctionne parce qu’il y a un marché. Mais comparé à l’industrie nautique ou informatique, cela ne pèse pas beaucoup financièrement.

Mais est-ce que ça pèse en terme symbolique alors ?
D’un point de vue symbolique, ces manifestations sont des outils de communication extraordinaires qui nous permettent de monter une opération de relations publiques en invitant les grands patrons au vernissage de la FIAC ou de Paris Photo. Le secteur de la culture et des loisirs est un axe de développement stratégique pour le groupe au niveau mondial. Et nous sommes, à ma connaissance, les seuls organisateurs à avoir plusieurs salons dans le secteur de l’art.

Comment expliquez-vous que la foire de Bâle soit internationalement plus reconnue ?
Si on s’était serré les coudes, entre galeristes et institutions en sachant travailler ensemble on ne se serait pas laissé dépasser par Bâle, car même s’il y a des avantages fiscaux ou de grandes collections en Suisse, on ne peut pas comparer Bâle à une ville comme Paris.

Vous voulez dire en tant que lieu ?
Oui, c’est important. Les collectionneurs ne se déplacent pas seulement pour la FIAC, il y a aussi tout ce qui se passe autour. C’est pour cela qu’on commence aussi cette année à resituer la FIAC dans tout ce contexte, pas seulement par l’organisation de visites de collections privées pour les grands collectionneurs, mais aussi en essayant de fédérer des lieux comme des restaurants ou des boîtes de nuit, un peu comme ce qui se passe à Londres. La question est de savoir ce qu’on peut faire ensemble pour créer un lieu où les gens aient envie de se retrouver. Nous n’aurions jamais dû nous faire dépasser par la foire de Bâle !

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