ART | CRITIQUE

Playlist

PClément Dirié
@13 Fév 2004

Des bibliothèques, des formulaires, des énumérations (et non les accumulations), des compilations généalogiques, etc. Autant d’œuvres dont la matière première n’est pas le bois, le marbre ou la toile, mais la culture. Une dénonciation, peut-être trop policée de l’uniformisation des cultures.

« La dénonciation trop policée par “Playlist” d’une uniformisation des cultures » titre Philippe Dagen dans Le Monde pour rendre compte de cette exposition qui entend « réunir des artistes dont la matière première n’est pas le bois, le marbre ou la toile, mais la culture ».

C’est effectivement cette impression que peuvent donner les bibliothèques de Saâdane Afif, de Clegg and Guttmann et de Carol Bove, les formulaires d’Angela Bulloch et de Daniel Perrier, les énumérations (et non les accumulations) de Rémy Markowitsch et de Samon Takahashi, les compilations généalogiques de Pauline Fondevilla et de Dave Muller…
Cela plus fortement encore au contact des seringues et des amphétamines de l’installation de Bjarne Melgaard, peut-être la seule installation de  » Playlist  » qui exige de prendre parti, qui renvoie à l’affect et non à l’intellect.

Dans la sculpture Sans titre, écran total de Bruno Peinado, double insignifiant et signalétique du logotype du Centre Georges Pompidou, de ce que chaque artiste fait d’une culture mondialisée à l’occidentale, de sa formation et de son environnement, on s’aperçoit que la figure du renvoi est finallement plus importante que la figure du choix dans une playlist.
Cette figure du renvoi, du retraitement, situe l’artiste comme un point dans un ensemble culturel et iconique qu’il doit prendre en compte, sinon en charge.
Bertrand Lavier prend en charge l’histoire de l’art — Ifafa III parodie en néons une œuvre de Frank Stella —, alors que Jacques André ou Allen Ruppersberg, ne font que la prendre prendre en compte, en agissant comme des collectionneurs et stockeurs.
La  » Playlist  » du Palais de Tokyo manque sans doute d’ironie, de dérision. Son registre est plutôt du côté de la parodie qui désigne étymologiquement le « chant d’à côté », celui qui s’inscrit en creux de la voix principale, qui la commente plus ou moins ironiquement.

La parodie caractérise la pratique réflexive des artistes qui  » perçoivent la culture comme un chant chaotique infini dont l’artiste serait le navigateur par excellence  » (Nicolas Bourriaud, catalogue).
L’artiste est ainsi un nouvel Ulysse perdu sur la mer de la culture où il lui faut se frayer un chemin, un parcours. Pour revenir à quelle Pénélope ?

C’est sur cette idée que repose exposition Code Unknown de la promotion 2004 du Pavillon (présentée du 12 au 22 février) : il s’agissait de travailler sur les protocoles de compréhension et d’identité, de reconnaissance des valeurs et des formes.

Du coup, la priorité revient à la forme perçue comme moyen de répondre aux flots d’images, de délivrer des sensations, de traduire l’être-ici culturel et artistique. Comme une bibliothèque, la forme est le support de la création conçue comme programmation artistique (le sous-titre anglais du livre de Nicolas Bourriaud, Postproduction, est  » Culture as Screeplay : How Art Reprograms the World « .

Tous les médias sont ici mobilisés, à l’exception notable de la performance, peut-être la pratique la plus inscrite dans le social.
Des grandes fresques murales aux œuvres minimalistes, de l’installation exubérante proclamant  » This is What I Do to Make Money. Pictures Are Observing us, Not the Opposite  » (la morale de l’exposition ?) au poétiquement et politiquement correct Upside Down. Pastoral Scene (qui n’est pas sans rappeler les beautés de Chen Zen) : toutes les œuvres exposées agissent plus comme commentaires que comme citations.
On en veut pour preuve les actions de déconstruction et la répétition que, dans Répertoire, Jonathan Monk fait subir aux lignes de Buren, que Daniel Perrier fait subir aux recherches formelles et interactives de Piet Mondrian et Bruce Naumann (110 Composition 1921-1943/Piet Mondrian et …Him…neon works/1965-1998/Bruce Naumann).

Ces pratiques instaurent un meilleur dialogue que ne le fait l’aporétique programme de conversation Sowana de Black Box par le Cercle Ramo Nash. Celles-ci proclament en effet la supériorité de l’humain sur la machine, et prétend rompre le clivage entre la haute culture et la culture de masse en saisissant des objets et des pratiques culturels variés.

Saâdane Afif :
(Blanc, jaune, rouge, vert), 1971-2003. Lightshow.
Pirate’s Who’s Who, 2000-2004. Edition de six exemplaires, étagère Lovely Rita de Ron Arad, collection de livres sur la piraterie. Peinture pailletée.

Jacques André :
Do it de Jenny Rubin, 2003. Photo.
Frise, derniers achats effectués par Jacques André, 2003. Installation.

John Armleder :
Sans titre (tryptique d’Utrecht), 1992. Technique mixte sur toile. 300 x 600 cm.
Peter Pano, 2004. Impression numérique sur papier.
Jérichoo, 2002. Photo.

Carol Bove, What The Tress Saido, 2003-2004. Technique mixte, 243 x166 x 51 cm.

Angela Bulloch, Rule Series, DJ Bootho, 2004. Peinture murale.

Le Cercle Ramo Nash, Black Boxo, 1998. Métal laqué, câbles électriques, voyants verts, trois ordinateurs et trois consoles, programme Sowana.

Michael Clegg :
Revisiting Falsa Prospettiva : Reflection on Claustrophobia, Paranoia and Conspiracy Theory, 2001-2004. Photo. Plexiglas et bois.
Two Types Of Revolt Against Reason. The Metaphysical Background of Received Ideas, 2004. Installation sonore.

Sam Durant, Upside Down. Pastoral Scene, 2002. Installation. Fibre de verre, bois, miroirs, peinture acrylique, système sonore.

Pauline Fondevila :
L’Usage du monde, 2002. Impression numérique sur bâche, 160 x 180 cm.
Le Plaisir des yeux, 2004. Dessins imprimés sur adhésifs.

Bertrand Lavier, Ifafa III, 2003. Tubes néons, 200 x 300 cm.

Rémy Markowitsch, Bibliotherapy Meets Bouvard & Pécuchet, 2001-2004. Installation.

Bjarne Melgaard, Sans titre, 2004. Installation.Technique mixte.

Jonathan Monk :
Translation Piece, 2003. Série de onze documents A4.
All The Possible Ways Of Lighting a Chemist Shop’s Sign, 2002. Croix de pharmacie, tubes néon. 130 x 80 x 20cm.
Répertoire, 2001-2003. Installation vidéo, 5’29.

Dave Muller :
A-1 ; A-2 ; AB ; B-1 ; B-2, 2003. Acrylique sur papier.
Jake’s Top Ten (Nostalgia), 2003. Acrylique sur papier.

Bruno Peinado :
Sans titre, écran total, 2004. Bois découpé.
Sans titre, the endless summer, 2004. Résine, polyester.
Sans titre, bootleg studiolo, 2004. Patchwork.

Richard Prince :
Danger Nurse At Work, 2002. Impression jet d’encre et acrylique sur toile. 236 x 122 cm.
Island Nurse, 2002. Impression jet d’encre et acrylique sur toile. 177 x 122 cm.

Allen Ruppersberg, The Singing Posters, 2003. Installation. Technique mixte.

Samon Takahashi, La Circonférence des oiseaux, 2003. Programme sonore sur DVD. 60’.

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