Shirin Abu Shaqra, René Ballesteros, Mohamed Bourouissa, Mario Brondo, Choi, Joseph David, Matthieu Adrien Davy de Virville, David De Beyter, Alexandre Del Torchio, Arnaud des Pallières, Mati Diop, Pierre Edouard Dumora, Clorinde Durand, Yakup Girpan, Claire Glorieux, Viola Groenhart, Mathilde Hess, Kang Hyun Wook, Tessa Joosse, Eduardo Kac, Yann Kersalé, Kapwani Kiwanga, Atsunobu Kohira, Andrew Kötting, Marikel Lahana, Manon Le Roy, Jane Leblond, Hee Won Lee, Oh Eun Lee, Thomas Lock, Jacques Loeuille, Sebastien Loghman, Marina Meliande, Brice Morel, Edgar Pedroza, Bärbel Pfänder, Anna Phillips, Ramona Poenaru, Claire Pollet, Enrique Ramirez, Matthieu Ravez, Christian Rizzo, Daria Romà , Anthony Rousseau, Ula Sickle, Teresa Sofia Czepiec, Raphael Thibault, Emmanuel van der Auwera, Jéro Yun, Lorena Zilleruelo
Panorama 11 – Un Archipel d’experiences
Commissaire invité : Régis Durand
Scénographe : Jacky Lautem
Pourquoi ce titre? Au départ, peut-être, une discussion avec Arnaud des Pallières, grand amateur de littérature américaine, qui au fil de conversations sur Hawthorne et Melville a réveillé en moi une passion ancienne pour l’imaginaire melvillien. Et de fait, quand il s’est agi de penser à l’espace d’exposition de Panorama 11, cet espace m’est apparu comme une grande étendue sombre dans laquelle j’ai tout de suite imaginé la découverte progressive d’îlots de lumière et de sens — les oeuvres exposées comme autant d’apparitions et de fragments épars.
Ce monde en archipel, c’est en effet à Melville qu’il fait penser, dans Mardi, dans Moby-Dick, dans Les Iles enchantées, et dans d’autres textes encore. Mais au-delà de la référence littéraire, c’est toute une vision du monde qui se profile, sous laquelle il m’a paru judicieux de placer mon intervention, et dont je voudrais maintenant dire un mot.
Car ce monde, c’est aussi celui qui est en train de se transformer devant nous, celui que nous découvrons et perdons à la fois, à mesure que nous avançons, dans une vision fragmentaire et changeante, ouverte, une perception en devenir — un percept, donc, dans la terminologie de Gilles Deleuze. Voici comment ce dernier décrit cette « vision en archipel », caractéristique du pragmatisme, philosophie dont l’empreinte est si forte sur la littérature et l’art américains :
« C’est d’abord l’affirmation d’un monde en processus, en archipel. Non pas même un puzzle, dont les pièces en s’adaptant reconstitueraient un tout, mais plutôt comme un mur de pierres libres, non cimentées, où chaque élément vaut pour lui-même et pourtant par rapport aux autres : isolats et relations flottantes, îles et entre-îles, points mobiles et lignes sinueuses, car la Vérité a toujours des « bords déchiquetés »
[…]C’est donc ce premier caractère que je voudrais souligner: une forme d’insécurité dans laquelle se trouve plongé le spectateur, que rien ne prépare à la découverte qu’il va vivre.
[…]Une grille possible de lecture des travaux présentés dans Panorama 11 pourrait donc être celle-ci : quels types d’expérience ces travaux tentent-ils chacun d’épuiser ou de circonscrire, et quelles stratégies mettent-ils en oeuvre à cette fin ? On verrait assez facilement que reviennent fréquemment l’expérience autobiographique, la tentation du docu-ment, mais aussi la mise en place d’un théâtre personnel (lié notamment au corps fantasmatique ou monstrueux). Sans oublier, comme dans toute énumération depuis Borges, celles qui ne relèvent pas des catégories ci-dessus, parmi lesquelles on trouve des tentatives justement pour produire des systèmes auto-suffisants, qui n’adhèrent à rien d’extérieur à eux-mêmes, et constituent des récits clos sur eux-mêmes, des processus, voire des prototypes à l’état pur…
Ces trois grandes orientations ne sont présentées ici qu’à titre d’hypothèses, qui devront être mises à l’épreuve des oeuvres réalisées.
[…]Au centre de l’espace d’exposition, il y a donc une île plus grande que les autres, dans laquelle un nombre important d’oeuvres individuelles sont rassemblées. Cet espace est un archipel en lui-même, puisque les éléments qui le constituent ne communiquent pas entre eux, tout en participant d’une commune expérience. Expérience paradoxale, continuité et discontinuité mêlées, à l’image de cette exposition dans son ensemble, qui demande à être perçue comme une suite d’événements.
A chaque rencontre, idéalement, quelque chose adviendrait, un acte de pensée, une reconfiguration de nos certitudes, une accélération de la vision et de l’écoute.
Régis DURAND
Mars 2009
http:/www.panorama11.net