ART | CRITIQUE

Palimpseste un bon pré-texte

PPaul Brannac
@18 Sep 2008

Palimpseste. La précision de la rareté, l’attrait de la sonorité inconnue; la beauté qui intrigue l’ignorant, qui ravit le savant. Un mot qui ne se dévoie pas facilement. Le titre est réussi, l’exposition l’est moins.

Le palimpseste appartient à l’écrit. C’est l’écrit sous l’écrit, ce qui précédait physiquement sous le texte que l’on lit au présent ; une réminiscence ; le repentir du parchemin. Par extension, ce peut être une citation, un hommage, un plagiat même. Pas de plagiaire cependant dans la nouvelle exposition de la galerie Xippas, mais maintes citations ; nous vivons peut-être une nouvelle époque maniériste (à la manière de). Les artistes exposés citent Duchamp et Beuys et semblent souvent s’en contenter, retirent quelques fleurs du quotidien de la marche du monde  mais ne vont guère plus avant.

À l’image de la Cuve mélancolique (2008) de Nicolas Boulard, objet d’inox protéiforme à la Viriginie Yassef, les artistes présents se font tranquillement l’écho de l’absurdité du monde. Création facile et aisément commercialisable, ou désenchantement sincère du créateur contemporain ? La frontière est poreuse, et c’est elle que l’on questionne.

Sur le sol d’une petite pièce obscure, douze casques noirs de motards farcis d’ampoules s’allument au rythme d’un rock apocalyptique ; l’installation de Cécile Babiole et Dominique Blais s’intitule Doom (2006-2008). Décidément, le côté noir des forces est de saison. Il y a peu, le Palais de Tokyo nous avait proposé une installation voisine : Last Manoeuvres in the Dark (de Raphaël Siboni et Fabien Giraud) à la citation explicite (une armée triangulaire de casques de Dark Vador) au fond sonore semblable et à l’ambition pareillement anxiogène. Les deux oeuvres sentent tout de même un peu plus la fascination esthétique que l’inquiétude réelle.

Matériaux lisses et léchés encore chez Matthew Day Jackson avec son Missing Link II (After Booster) (2008). Onze cadres de photographie et aquateinte représentant les pièces plus grandes que nature d’un squelette humain radiographié. Pourtant, à y regarder de près, ce corps transparent est autant cyborg que racines arborées. Ce métabolisme de machine a des branches et l’étonnante synthèse du corps humain, de l’artifice et de la nature fonctionne et en fait une belle pièce. Il y a du maniérisme chez Matthew Day Jackson aussi et son astronaute bricolé en combinaison de feutre — Apollo Space Suite (After Beuys) — est moins intéressant.

À observer ces œuvres rassemblées, s’insinue le sentiment diffus, et néanmoins tenace, d’une génération qui ne se remet pas des maîtres contestataires du siècle passé et qui alors, peut-être un peu pour cela, regarde passer le temps – parfois avec justesse – mais ne le brusque pas.

Dominique Blais
Sans titre (Melancholia), 2008. Disque, tourne-disque, haut-parleurs, câbles. Dimensions variables.

Nicolas Boulard
Erased de Villaine Wine, 2008. Vin blanc, verre, cadre en bois. 64 x 55 cm.

Isabelle Cornaro
Sans soucis (détail), 2005. Papiers assemblés et cheveux. 41,5 x 31,5 cm.

Matthew Day Jackson
Apollo Space Suit (after Beuys), 2008. Feutre de laine, aluminium, acier inoxydable, plastique. 193 cm.

Nicolas Floc’h
La Tour Pélagique, projection simple, 2008. 50 diapositives.

Aurélien Froment & Aurélien Mole
Au nom de l’opérateur, 2008. Tirage lambda peint, dibond, peropex. 32 x 43 cm.

Mark Geffriaud
Roche, 2008. Livre, 81 diapositives.

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