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L’Autobiostriptease

Le soir du vernissage de l’exposition collective Décollages, initiée par La Femme tentaculaire, nous avons pu assister à deux performances artistiques, l’une, celle de Katia Feltrin, théâtrale et poétique, l’autre, celle d’Aureline Roy soutenue par Marie-Juliette Verga, de danse contemporaine — de la tendance dite de la « non danse ».

Les deux événements se sont, à partir d’un certain moment, chevauchés temporellement, comme nous allons voir, justifiant de fait le thème général de la manifestation qui était celui du collage, au sens large du terme.

Aureline Roy a donc fait son entrée en scène. Cette simple arrivée était périlleuse du fait de l’étroitesse de la rambarde située à plus de trois mètres de hauteur le long d’un des murs porteurs du bâtiment. C’est pourtant sur cet espace étriqué, surélevé et vertigineux qu’ont, avec courage (ou, ce qui revient au même, inconscience), accepté de se produire et de se poser la danseuse et sa partenaire occasionnelle Marie-Juliette Verga (par ailleurs, collaboratrice de Paris-art).
Tandis que cette dernière était confortablement assise sur une chaise en bois patinée empruntée au bistrot des Batignoles, égrenant le temps qui passe en tendant au public un panonceau chiffré à la manière d’un juré dans un concours de patinage, Aureline a tourné le dos à son audience, s’est mise sur pointes (d’où le titre de la proposition), a calé ses mains contre la paroi du grenier et… n’a plus moufté de toute la soirée.

Ce qui rendait à la fois banale et saugrenue l’entreprise, c’est que l’assistance, en contrebas, ne pouvait tout simplement pas se rendre compte de la prouesse technique de la prestation. La vue en contre-plongée ne permettait pas du tout de voir que la danseuse immobile était sur pointes, ce qui exige un minimum d’entraînement et une pratique de kamikaze yogique. Sauf, peut-être, pour les spectateurs avertis ou attentifs à certains signes qui ne trompent pas — tension des mollets, pression musculaire du fessier, croissance incroyable, subite, « sarkozienne » du corps humain…

Pour ce qu’on en a vu et entendu, la performance de Katia Feltrin, maîtresse certes mais pas trop cérémonieuse tout de même, au visage voilé de fourrure, qui était assistée pour l’occasion par deux demoiselles nullement en détresse, mêmement costumées, demandait et obtenait assez facilement la participation, voire la complicité du public.

Après avoir avalé jusqu’à la lie, cul sec qui plus est, le contenu d’une coupe à base d’alcool bio et bon à la fois, les volontaires sollicités de cette mascarade d’art étaient priés de lire un texte dans une position pas très commode. La notion de précarité était l’un des points communs entre les deux performances. Ensuite, arrivait le coup le plus spectaculaire de ce rite épiphanique, plus ou moins orthodoxe, de tradition slave, qui consiste à rompre la glace, ou plutôt le verre, ou plutôt les deux, le verre et la glace. Ce coup de sang, de folie et d’éclat(s) relève de la tabula rasa. Ce geste auguste évite d’avoir à faire la vaisselle, mais pas le ménage.

D’un côté, au rez-de-chaussée, un attroupement et une agitation absolument bachiques, un festoiement picratique, le sacre du brandevin à l’heure exacte du beaujolais nouveau. De l’autre, également dans l’éther, la funambule et son double en état de catalepsie avancée. Apollon et Dionysos, Apolline et Denise, Katia et Aureline. Le happening calculé de l’une, le calme d’avant la tempête de l’autre. Toutes deux aussi extravagantes, sans doute.

Sur une initiative de l’assocation La Femme tentaculaire (Christine Acherouf-Kébir et Lucile Marin)
www.myspace.com/lafemmetentaculaire

L’Autobiostriptease
— Conception : Katia Feltrin
Le Temps pointé
— Conception : Aureline Roy