DANSE | SPECTACLE

Robot, l’amour éternel

25 Mai - 26 Mai 2018

Danseuse de l'intime, la chorégraphe Kaori Ito ausculte, par son travail, le sujet et l'objet de l'expérience. Avec Robot, l'amour éternel, elle dévoile une fois de plus une grande part de sa vie personnelle : cette construction grammaticale ('je') et corporelle (coordonnées spatio-temporelles).

Troisième opus de sa trilogie de l’intime, la chorégraphe Kaori Ito présente Robot, l’amour éternel. Un solo complétant Je danse parce que je me méfie des mots, en duo avec son père, et Embrase-moi, en duo avec son compagnon. Explorant la chair de l’intime, de ce qui fait la trame du singulier, Kaori Ito donne ici une mise en scène de soi, à la première personne. Une pièce suffisamment élaborée pour que chacun puisse y trouver des marques. Avec Robot, l’amour éternel, Kaori Ito danse sur une composition sonore de Joan Cambon. Fine pluie de notes de piano… Rafales de violons… Voix de synthèse féminine égrenant son carnet de bord où se mêlent éléments factuels et émotions… « 13h42. Je prends le train pour Paris. Je n’arrive pas à me reposer. » « 01h30. Paris. J’ai peur d’être seule, mais en fait, je ne peux jamais être seule. »

Robot, l’amour éternel de Kaori Ito : dernier opus de la trilogie de l’intime

Autour de la solitude et de la mort, ces deux intimes, Robot questionne la frontière entre l’animé et l’inanimé. Le ‘Je’ de Kaori Ito y est un ‘je’ personnel tout autant qu’un ‘je’ générique. Pour Robot, l’amour éternel, elle scrute le phénomène de la singularité : comme fait, comme vécu. À l’aune d’un mode de vie constellé de voyages, de brèves rencontres, elle note : « On se dit bonjour et au revoir comme une série de petites morts. » Un enchaînement qui rapproche d’une sociabilité à la texture robotique. Figure du double, de l’autre soi-même, le Robot de Kaori Ito renvoie au paradoxe de l’intelligence artificielle. Une parfaite simulation de la personne humaine, mais sans personnalité juridique. Sur scène Kaori Ito conjugue des gestuelles de sujet et d’objet. De poupée agie, ou d’actrice s’augmentant de prothèses. Tandis que les accessoires se déplacent ‘seuls’, mus par des fils.

Solo démultiplié : une joyeuse danse macabre, où se côtoient poupées et masques

Pantomime de soi à soi, où le soi est égal à lui-même, sans jamais réussir à l’être vraiment… Le solo Robot, l’amour éternel sonde aussi l’écart de la personne moderne, tel que résumé par Arthur Rimbaud : « Je est un autre ». Entourée de persona [masques] correspondant à des moulages de différentes parties de son corps, Kaori Ito compose et compulse les mues. Ni tout-à-fait la même, ni tout-à-fait une autre. Sur une scène en forme de grand praticable percé de trous, de béances carrées et obscures, elle émerge et disparaît. Comme de grandes tombes énigmatiques. Des objets s’y engouffrent, des sujets en émergent. Solo démultiplié, Robot, l’amour éternel contient ainsi une multiplicité de fantômes, de publics, de rencontres contingentes. Autrement dit : une multiplicité de soi(s). Fragmentation déshumanisée ou moment de synthèse du divers, par son solo Kaori Ito réussit à faire danser la solitude et la peur de la mort.

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