ART | EXPO

Invisible Colors

26 Juin - 27 Juil 2007

La galerie Marian Goodman présente «Invisible Colors», une proposition de Karina Daskalov. Avec Marcel Broodthaers, James Coleman, Dominique Gonzale-Foerster, Oswaldo Macia, Gabriel Orozco, Aaron Young.

Marcel Broodthaers, James Coleman, Dominique Gonzale-Foerster, Oswaldo Macia, Gabriel Orozco, Aaron Young

Invisible Colors

Le point de départ de cette exposition est le dernier livre de T.J. Clark The Sight of Death: An Experiment in Art Writing. Dans ce livre Clark retourne sur une période de six mois voir deux tableaux de Poussin au Getty Museum. Le livre, mélange entre histoire de l’art, journal et, par moments, réflexion politique, montre comment l’art ne se révèle jamais complètement dans l’instant. Cette exposition suggère que la rencontre privilégiée de Clark avec l’art peut servir de rappel à une forme d’engagement qui est à l’opposé des points de vue répandus actuellement, dans un monde en perpétuelle accélération, inondé par les foires d’art, les biennales et les contre-biennales.

L’idée derrière cette exposition est, quelque part, de susciter une impression de temporalité ralentie, et de laisser notre perception se développer dans le temps. Les œuvres, même très disparates, offrent ou provoquent des rencontres intimes, en s’adressant parfois à nos sens les moins rationnels et les plus marginalisés. L’exposition a lieu sur deux étages, les œuvres du premier étage se concentrent sur les expériences les plus directes.

Ventilators (1997) de Gabriel Orozco, la première œuvre rencontrée, donne le ton. Dans ce qui apparaît comme un geste simple et absurde, du papier toilette est placé en haut d’un ventilateur transformant cet objet familier en une sculpture kinétique magique : l’abject devient enchanteur. Le ventilateur anime l’air de la galerie, créant une douce expérience tactile et auratique.

Les installations multi-sensorielles d’Oswaldo Macià se concentre sur les sens les plus marginalisés et les moins faciles à connaître, l’odorat et l’ouïe. Macià qui a grandi près de la pharmacie de son père à Carthagènes, en Colombie, est fasciné par les modes plus abstraits et émotionnels de compréhension, dévalorisés depuis la Renaissance. Calumny (Envy, Hatred, Ignorance, Truth) (2007) comprend cinq globes lumineux remplis de parfums qui se balancent comme des pendules. Les odeurs qu’ils dégagent se mélangent et sont impossibles à appréhender séparément. Alors que son impact est immédiat, l’odeur fonctionne aussi allégoriquement, en faisant référence à la peinture de l’Antiquité la plus célébrée, la Calumnie d’Appelles, dont Pline, et plus tard Alberti dans son Traité de la peinture, firent l’éloge. Cette œuvre, commentaire sur l’histoire occidentale caractéristique de Macià, subvertit le visuel et le verbal : l’odorat est reconnu comme le sens qui domine le plus facilement la pensée rationnelle, nous transportant instantanément dans un autre espace temps.

L’œuvre d’Aaron Young Focus On the Four Dots in the Middle of the Painting for Thirty Seconds, Close Your Eyes and Tilt Your Head Back (2007) n’est en fait pas du tout ce qu’elle semble être au premier abord. Si on l’appréhende comme une peinture traditionnelle, elle apparaît comme une sérigraphie Warholienne abstraite relativement commune. Cependant, lorsque l’on suit les instructions du titre, une image fantôme se met à flotter avec insistance et de façon troublante sur la rétine. Alors que «l’après-image» est pleine de sens, elle est aussi finalement vide, un cliché pop qui a perdu son sens. Une image fût donnée dans la rue par un groupe religieux à Young qui décida de l’insérer, d’un geste ironique caractéristique de l’artiste, dans le contexte le plus séculier. Cependant, l’expérience de l’après-image est elle-même profondément intime, une forme de perception dont on parle rarement mais qu’on rencontre souvent, comme les points noirs ou blancs qui flottent sur la rétine, ou les images qu’on voit après s’être frotté les yeux ou en regardant le soleil.

Sans titre (1985), la première oeuvre de Dominique Gonzalez-Foerster représente une combinaison d’objets à première vue ordinaire, un lys blanc dans un vase posé sur une horloge digitale. Avec ce simple procédé, le passage du temps est rendu manifeste, les symboles traditionnels de vanité et de mortalité – les fleurs et le pendule devenu horloge digitale – sont posés innocemment sur le sol de la galerie. Comme dans beaucoup d’œuvres de Gonzalez-Foerster, Sans titre suit sa propre logique, n’étant ni une sculpture, ni une installation, mais habitant simplement le monde réel. Cependant la fleur ne se fane jamais complètement, elle existe dans un état de fraîcheur continu.

Dans Slide Piece (1972-73), l’une des ses plus anciennes oeuvres, James Coleman confronte le spectateur avec la temporalité de la perception. La même diapositive couleur d’une place vide de Milan est projetée répétitivement, accompagnée de différentes descriptions narratives de l’image. Le texte est récité par un narrateur, mais il s’agit de l’agrégat de plusieurs lectures, qui sont parfois contradictoires. Aucune des descriptions ne rend compte de l’image dans sa totalité, c’est seulement en regardant plusieurs fois que l’on commence à comprendre. Coleman conçut Slide Piece comme une œuvre pouvant être réalisée en plusieurs langues telle une sorte de work in progress, soulignant les spécificités culturelles et sociopolitiques du regard et de l’interprétation.

Similairement à l’œuvre de Coleman, le diaporama de Marcel Broodthaers Bateau tableau (1973) et le film Voyage en mer du Nord (1973-74) temporalisent une image statique. Les deux œuvres sont basées sur la peinture anonyme du 19ème siècle Un tableau représentant le retour d’un bateau de pêche acquis par Broodthaers chez un antiquaire de la rue Jacob. En utilisant une caméra et un appareil photo, Broodthaers assujettit la peinture à son analyse ludique et ironique caractéristique de son travail, se concentrant sur les détails et révélant des éléments normalement cachés. Le film et le diaporama (ou «film-photo» comme Broodthaers avait l’habitude de dire) jouent avec l’opposition entre l’image totale et le fragment, entre l’immobilité et le mouvement, renvoyant le spectateur à sa propre perception.

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