ART | EXPO COLLECTIVE

Alfred Jarry Archipelago: La valse des pantins – Acte I

05 Juin - 30 Août 2015
Vernissage le 04 Juin 2015

Alfred Jarry a pulvérisé les frontières de l’ordre social, moral et esthétique du XIXe siècle finissant. Il est l’auteur d’une œuvre complexe placée sous le signe de l’expérimentation radicale et du mélange des genres. Cette exposition, en deux volets, démontre que tout un pan de l’art actuel est traversé par cette puissance de transgression «jarryesque».

Julien Bismuth, Pauline Boudry & Renate Lorenz, Pauline Curnier Jardin, Jos de Gruyter & Harald Thys, Goldin + Senneby, William Kentridge, Shelly Nadashi, Dan Perjovschi, Roee Rosen, Benjamin Seror, Yoan Sorin, Ante Timmermans, Emmanuel Van der Meulen, Kara Walker
Alfred Jarry Archipelago: La valse des pantins – Acte I

«Alfred Jarry Archipelago» est un vaste projet initié par Le Quartier centre d’art contemporain de Quimper, le Centre d’art contemporain de la Ferme du Buisson à Noisiel et le Museo Marino Marini à Florence dans le cadre de Piano — plateforme franco-italienne d’échanges artistiques — en collaboration avec le Museum M et Playground à Louvain (Belgique).

De Jarry on ne retient que le scandale d’Ubu Roi qui masque une œuvre complexe placée sous le signe de l’expérimentation radicale et le mélange des (mauvais) genres. En réunissant un ensemble exceptionnel d’artistes internationaux et inclassables, «Alfred Jarry Archipelago» démontre que tout un pan de l’art et de la performance actuels est traversé par cette puissance de transgression «jarryesque».

«Parce que ce garçon-là, qui chaussait du 36 et qui volait les souliers en cuir jaune canard de son amie Rachilde pour assister, bouleversé, à l’enterrement de son ami Mallarmé; qui lors de sa naissance à 15 ans est déjà l’enfant qu’il sera à sa mort à 34 ans; qui sait tout de suite que “Vivre = cesser d’Exister” et qui passa sa vie en aller et retour entre les contrées de la “merdre” et de l’absolu avec des pointes à plus de 300 kilomètres par heure et des splendeurs à vous plaquer au sol; parce que Alfred Jarry, qui joua son existence entière sur la littérature et qui jouait du revolver sous prétexte que “c’est beau comme littérature”, échappe complètement à la littérature.» (Annie Le Brun)

Poète, dramaturge et dessinateur, Alfred Jarry (1873-1907) a pulvérisé les frontières de l’ordre social, moral et esthétique du XIXe siècle finissant. Retentissant comme un coup de tonnerre, le célèbre «Merdre!» de son Ubu Roi ouvre la voie aux développements de la modernité à venir — de Marcel Duchamp à Harald Szeemann en passant par les futuristes, les surréalistes, les conceptuels, tous sont redevables de celui qui sera qualifié de «protodadaïste».

D’un tournant de siècle à l’autre, l’œuvre et les idées de Jarry semblent irriguer de nouveau la société et l’art contemporains. L’abolition des limites (des disciplines, de l’identité, du bon sens et du bon goût) explorés autant dans sa vie que dans ses écrits l’ont conduit à une approche inédite de la théâtralité, du corps et du langage — et des rapports de domination, qu’ils soient liés au désir, au savoir ou au pouvoir. Identifiant un certain nombre de motifs «jarryesques», «Alfred Jarry Archipelago» se présente comme une quête spéculative de leurs résurgences dans les arts visuels, à la lisière du politique, du théâtre, de la danse et de la littérature.

Dans son célèbre manifeste pataphysique, Gestes et Opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien, Alfred Jarry décrit un voyage initiatique d’île en île dans lequel une géographie artistique se substitue à la géographie réelle. Chaque chapitre du livre III correspond à une halte dans une île fictive dédiée à un écrivain ou un peintre de son temps. S’il naviguait dans le monde actuel, quel paysage composerait l’auteur et critique du siècle dernier?

Convoquant de la sorte la figure de Jarry comme commissaire posthume, «Alfred Jarry Archipelago» se compose d’un chapelet d’îlots matérialisant l’univers de divers artistes pour esquisser une vision résolument subjective de son héritage. Le projet se déploie sur plusieurs mois dans plusieurs lieux et différents formats — expositions collectives, expositions monographiques, projections, performances, rencontres — et se conclura par une importante publication.

Première occurrence à Quimper, l’exposition collective «La valse des pantins – Acte I» est le fruit d’un commissariat commun de Keren Detton, directrice du Quartier et de Julie Pellegrin, directrice du Centre d’art de la Ferme du Buisson où sera présenté l’Acte II (18 octobre 2015- 16 février 2016). Le parcours de l’exposition, composé de films, d’installations, de dessins et de peintures, déploie différentes temporalités qui se chevauchent grâce à un travail de lumière et de séquençage, tout en privilégiant l’appréhension d’ensembles monographiques.

En écho à l’appropriation par William Kentridge du personnage d’Ubu pour évoquer les abus de pouvoir du contexte post apartheid sud-africain à travers une procession de marionnettes, Yoan Sorin et Kara Walker abordent le rapport aux corps dans les problématiques coloniales chères à Jarry. Roee Rosen passe par un alter ego pour railler la tyrannie politique dans une fable domestique à la fois caustique et onirique. Dan Perjovschi conçoit un nouveau dessin mural dont les figures et commentaires de l’actualité sociale, politique et culturelle apparaissent comme une version contemporaine de l’almanach du Père Ubu.

Pauline Boudry et Renate Lorenz mettent en scène une figure de dandy queer dont la critique du capitalisme flirte avec le devenir animal. Plus loin, les abus du système financier sont parodiés par Goldin+Senneby dans une performance et un théâtre miniature. Une autre série de maquettes sert de support à Benjamin Seror pour l’écriture d’un roman autour de la capacité du langage à produire des situations inédites.

Les œuvres de Jos de Gruyter et Harald Thys, Shelly Nadashi et Ante Timmermans se nourrissent d’un humour noir à la croisée du théâtre, du langage et du dessin pour mettre en question la relation à l’autre, à l’argent et au travail. À côté, la peinture d’Emmanuel Van der Meulen se fait à la fois décor et signe héraldique, et les faits de guerre cirque fantasmagorique chez Pauline Curnier Jardin. Jalonnant le parcours, une série de photographies de Julien Bismuth renouvelle la compréhension de l’œuvre de Jarry par le télescopage de citations.

L’esprit du père de la pataphysique plane sur l’ensemble de ces artistes qui offrent une vision critique de la modernité à travers l’«intempestivité» de leurs sujets et des procédures narratives diffractées, marquées par un humour ravageur.

Commissariat
Keren Detton et Julie Pellegrin

Vernissage
Jeudi 4 juin 2015 à 18h30

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