ART | EXPO

Zarba Lonsa

16 Oct - 19 Déc 2015
Vernissage le 15 Oct 2015

Durant sa résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers, Katinka Bock a développé un travail autour du don et contre-don, en lien avec les commerçants du quartier des Quatre-Chemins à Aubervilliers. Les sculptures, installation, lectures et film, résultat de ce travail, se constituent en traces visibles ou invisibles de ces actions.

Katinka Bock
Zarba Lonsa

Au cours de ses 9 mois de résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers, Katinka Bock a développé un travail autour du don et du contre-don. Toujours soucieuse d’inscrire ses recherches sur le territoire qu’elle occupe, «Zarba Lonsa» (en verlan: Bazar Salon) est le fruit de ce projet développé dans le contexte très spécifique du quartier des Quatre-Chemins à Aubervilliers: une exposition qui mêle au travail plastique les échanges avec les commerçants, invitant spectateurs et habitants à faire l’expérience d’une pérégrination intime et poétique pour devenir à leur tour le protagoniste de ces récits construits autour du don.

Katinka Bock conçoit la production d’une œuvre en rapport à l’environnement dans lequel elle intervient. Attentive au fait qu’un lieu d’art génère des usages et des expériences «extra-ordinaires», elle s’emploie à rendre perceptible ce qui fait la particularité de ces lieux en les inscrivant dans une relation immédiate avec leur contexte extérieur. Elle s’attache pour cela à saisir d’infimes éléments, à se laisser prendre par des détails que personne ne voit d’ordinaire et à partir desquels l’œuvre se construit révélant ainsi certains aspects caractéristiques de l’identité de ces lieux, des caractéristiques à la fois architecturales, urbaines, sociales, climatiques, temporelles et spatiales.

L’œuvre n’est jamais une finalité dans le travail de Katinka Bock mais un véhicule qui nous amène à faire l’expérience du temps et de l’espace, à ébaucher des fictions dont nous sommes d’une certaine manière les protagonistes discrets, parfois malgré nous. La relation qu’elle induit par ses interventions est toujours légère, non intrusive. Ainsi chacun — que ce soit le spectateur avisé qui se déplace pour voir le travail de l’artiste, celui qui tombe par hasard sur l’une de ses pièces disséminées dans l’espace public, ou encore les personnes travaillant dans le lieu d’exposition — se sent déplacé intimement, poétiquement, dans son rapport à l’expérience qu’il fait d’ordinaire d’un lieu.

Dès ses premières pérégrinations autour des Laboratoires entamées début février dans le quartier des Quatre-Chemins, l’artiste a été particulièrement frappée par la densité des commerces déployés autour du carrefour et de ses rues adjacentes. Derrière les vitrines sont visibles un ensemble hétéroclite de produits, viandes au détail, robes de mariés, machines à coudre, pâtisseries colorées, bazars de vêtements, articles de téléphonie mobile, etc., ainsi que des devantures fantomatiques paraissant depuis longtemps tombées dans l’oubli.

Cette diversité d’activités commerçantes, le flux incessant des habitants qui viennent acheter certains produits ou encore échanger des propos avec les voisins, a conduit Katinka Bock à vouloir activer un processus d’échange d’objets avec les commerçants. Ceci afin de questionner la valeur, le sens et le statut de l’échange d’objets, et en particulier d’objets d’art.

L’œuvre devient ici l’objet d’une relation construite librement, hors de l’institution artistique et de ses règles. Plusieurs commerçants se sont ainsi prêtés au jeu d’échanger un produit de leur magasin contre une des ses sculptures, sorte de pain de terre cuite, fabriqué spécifiquement pour le projet.

L’échange ainsi fait, la sculpture prend place au milieu des étagères, parmi les rayons de vêtements, dans le fatras des bazars, des salons de coiffure ou des étalages des boucheries. Elle interpelle par son incongruité dans ces lieux, devenant objet de contemplation, de bizarrerie, d’interrogations, de conversations.

A l’origine de ce projet il y a donc l’échange, le don et contre-don, le désir aussi de créer un mode de circulation et de parcours d’œuvres dans des vitrines et des lieux directement situés sur la rue. Il y a surtout l’envie que cet échange soit le résultat d’une rencontre et d’un dialogue entre l’artiste et les commerçants et le point de départ du processus de l’exposition.

A travers ce simple geste de l’échange d’une œuvre contre une marchandise, il y a en amont le récit d’une expérience qu’elle souhaite partager, le désir d’inviter l’autre à participer à une expérience artistique à partir de laquelle les protagonistes — l’artiste, les commerçants, les clients des magasins et un public élargi — travaillent à la construction d’un récit commun. Comme dans l’ensemble de son travail, le récit est minimal et entièrement contenu dans les micro-déplacements que Katinka Bock provoque, dans le dialogue qu’elle crée avec l’autre, laissant par la suite toute liberté d’interprétation et d’appropriation.

Les sculptures en terre cuite essaimées dans l’espace des Laboratoires, dans le cadre de l’exposition, font suite à cette première phase d’échange. Chacune de ces sculptures sont les contenants des objets donnés par les commerçants. Elles renferment tous les objets offerts, certains ayant définitivement brûlé une fois le contenant, la sculpture en terre, passé dans le four du céramiste.

Ces nouvelles sculptures de formats très variables sont également les «protagonistes» d’un film réalisé en Super 8, manipulées par des personnes dont on ne perçoit que certaines parties de leur corps, dans une sorte de corps à corps entre l’anatomie de la sculpture et celle du manipulant: des anatomies en constante transformation, suivant le jeu des possibilités d’interactions entre plusieurs formes, plusieurs orientations, entre contenant, contenu et manipulant. Sculptures, mouvements et corps résonnent ici de concert comme pour mieux révéler la porosité existant entre espace intérieur et extérieur.

Un cercle en bronze trône en lévitation dans un des espaces des Laboratoires. Figure fragile et silencieuse, elle semble donner la mesure de l’espace et définir les contours d’une géographie à la fois contenue en elle-même et ouverte au dehors. Cette fine ligne circulaire réalisée à partir de branches d’arbres ramassées cet hiver dans les rues d’Aubervilliers marque ainsi une jonction entre l’espace public des rues d’Aubervilliers et celui, privé, des Laboratoires, au croisement des différentes expériences géographiques que «Zarba Lonsa» suscite.

Deux lectures publiques portées par Katinka Bock et Clara Schulmann (historienne de l’art et auteure du texte commandé par l’artiste en relation avec ce projet) viendront ponctuer les deux mois d’exposition aux Laboratoires. Une édition sera offerte au public tout au long de l’exposition, troisième volet d’une série réalisée par Katinka Bock et donnée de la main à la main.

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