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William Kentridge

PMuriel Denet
@12 Jan 2008

Aux antipodes des sombres préoccupations socio-politiques qu’il a faites siennes depuis la fin des années soixante-dix (sa lutte sans merci pour la domination), William Kentridge présente un fort joli spectacle d’illusionniste chez Marian Goodman.

Si les « projections animées » de William Kentridge ont toujours été travaillées par la lutte sans merci pour la domination, dans un pays que la pire forme qu’elle puisse prendre a rendu exsangue et déliquescent, il nous offre aujourd’hui une sorte de récréation instructive sur les secrets de fabrication de l’œuvre.
Sur un mode burlesque à la Buster Keaton — l’artiste ne sourit ni ne s’émeut jamais —, 7 Fragments et un Voyage dans la lune le montrent sur la scène du petit théâtre qu’est son atelier, aux prises avec un imaginaire bouillonnant, nourri d’histoire du cinéma, et avec ses propres créations-créatures, douées d’une vie autonome et indisciplinée. Une lutte qui soumet le corps de l’artiste, apparemment impassible, à une chorégraphie précise pour le plier à des « scripts en miroir », et des gestes à retourner. Puisque l’un des « trucs », qui fait ici merveille, est le défilement des images à rebours.
En jaillit un monde de perfection rêvé, où les dessins se tracent d’eux-mêmes, les images déchirées se reconstituent sans souvenir aucun de lacération, les éclaboussures sont vite aspirées d’un coup de manivelle rendant à la feuille blanche sa virginité disponible. Et les livres, ressources inépuisables, viennent à l’artiste d’eux-mêmes quand, en manque d’inspiration, il arpente l’atelier.
7 Fragments donc, qui disent en boucle les combats toujours recommencés, et un film, « cédant à la poussée narrative » : un remake du Voyage dans la lune, où se mêlent Méliès, Jules Verne, et l’univers kentridgien. La cafetière de l’atelier s’est substituée à la fusée-obus, et les horizons mornes d’Afrique du Sud aux paysages lunaires.

Mais dans cet univers de fantaisie, des irruptions de réel ouvrent d’autres possibles : des fourmis blanches y écrivent sur la nuit un texte incontrôlable, et les corps vieillissants, de l’artiste et de sa femme, rappellent l’ultime tragédie humaine. On ne saurait être dupe.

William Kentridge
— Torn Selfportrait, 2003. Charbon et crayon de couleur sur papier. Diptyque : 122 x 82 cm (chaque).
— Spiral Belly 1, 2003. Charbon, crayon de couleur et collage sur papier. 122 x 82 cm.
— Spiral Belly 2, 2003. Charbon et crayon de couleur sur papier. 122 x 82 cm.
— Selfportrait as Divider, 2003. Charbon, crayon de couleur et collage sur papier. 122 x 82 cm.
— Moon, 2004. Charbon et crayon de couleur sur papier. 220 x 150 cm.
— Constellation, 2004. Charbon et crayon de couleur sur papier. 220 x 150 cm.
— Camera, 2004. Charbon et crayon de couleur sur papier. 220 x 150 cm.
— Journey to the Moon, 2003. Charbon sur papier. 57 x 76 cm.
— Three Shadows, 2003. Charbon et crayon de couleur sur papier. 57 x 76 cm.
— Drawings from Journey to the Moon and Fragments to Georges Méliès, 2003. Collage. 255 x 555 cm.
— Three Figures, 2003. Charbon et collage sur papier. 80 x 121 cm.
— Camera in Landscape, 2003. Charbon et collage sur papier. 80×121 cm.
— Six Drawings for Algier, 2003. Pastel et gouache sur papier. 80 x 80 cm.
— Cyclopedia of Drawings, 2003. Flipbook, 60 pages et une couverture. Charbon et crayon de couleur sur page de livre. 21 x 13 cm (chaque).
— Journey to the Moon, 2003. Vidéo noir et blanc.
— 7 Fragments for Georges Méliès (dont Day for Night), 2003. Installation vidéo noir et blanc.

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