ART | EXPO

Visions nocturnes

08 Mar - 10 Mai 2008
Vernissage le 07 Mar 2008

Comment saisir une obscurité qui nous échappe? Comment comprendre un univers où le symbolique côtoie l’ irrationnel? L’exposition « Visions nocturnes» propose, à travers les oeuvres de sept artistes, un voyage sans code ni repères où l’on navigue entre ombre et lumière.

Dominique Blais, Sophie Bueno-Boutellier, Jason Dodge, Spencer Finch, Francesco Gennari, Anne-Laure Sacriste, Niels Trannois
Visions nocturnes

L’exposition «Visions nocturnes» convoque l’obscurité autant comme expérience limite de la perception que comme territoire symbolique. Les oeuvres des sept artistes invités contribuent à cette réflexion par des formes qui, tout en échappant à sa représentation, tentent de donner à la nuit une visibilité. L’obscurité est d’abord envisagée comme un état de perception ambivalent que ces artistes, au lieu de chercher à retranscrire fidèlement, préfèrent aborder par détour, voire en creux.

Un dessin au pastel noir, évoquant autant des empreintes à tâtons qu’une éclipse de soleil, ouvre l’exposition : dans sa tentative de traduire un moment vécu dans un lieu donné, Spencer Finch nous invite ici à partager son expérience de l!intérieur de la grotte de Lascaux. Plus loin, devant une fenêtre, une rangée de verres d’eau teintée variablement d’encre grise joue sur les changements du soleil sur les ombres projetées.

La lumière trouve paradoxalement une place importante dans l’exposition. Au sol, une installation de Jason Dodge présente un amoncellement d’ampoules, néons, bougies et autres objets, renvoyant en creux à l’obscurité d’une maison dont a été retirée toute source lumineuse. Dans les oeuvres de Dodge, qui procèdent par déplacement ou par détournement d’objets trouvés, la réduction des moyens en accentue le pouvoir d’évocation. Au mur, un cartel signale que l’un des visiteurs revient du Pôle Sud, territoire plongé dans la nuit au moment de l’exposition. Ailleurs, sur une banale boîte en carton, repose une chouette naturalisée à l’intérieur de laquelle ont été enfermés des rubis. Signe d’un passage de la mort à la vie, l’oeuvre établit un retournement de l’organe de la vue, comme si l’animal nocturne continuait à être doué de vision  intérieure.

Partageant cette approche dialectique où nuit et lumière coexistent, l’installation de Dominique Blais – produite pendant sa résidence à Noisy-le-Sec – est un lustre dont la lumière a été remplacée par du son. Dans un jeu de correspondances entre l’invisible et l’inaudible, la sculpture diffuse dans la pénombre des bruits résiduels enregistrés dans les moments d’inactivité de la galerie, telle une empreinte fantomatique du bâtiment.

Si elles se situent sur le seuil de la perception, les oeuvres de l’exposition entendent simultanément le mot « visions » dans son double sens. Issues de projections de l’inconscient, de réminiscences, de songes ou d’hallucinations, leurs formes vont jusqu’à s’apparenter à des visions qui renouent avec un vocabulaire romantique et symbolique.

Dans les peintures sur bois d’Anne-Laure Sacriste, la lumière semble avoir été absorbée par une matière sourde : de l’opacité d’un immense panneau noir affleurent les découpes d’un paysage fantasmatique. Plus loin, telle une image rémanente, une autre peinture de plus petit format revisite ce même lieu obsédant.
En face, une installation aux contours troubles de Sophie Bueno-Boutellier et Niels Trannois tente de matérialiser les hallucinations d’une araignée « veuve noire ». Peinture, dessin, fils et divers objets trouvés projettent un réseau complexe d’apparitions provenant de la perception altérée de l’animal. Frontière entre deux mondes, une autre construction de Sophie Bueno-Boutellier dessine les contours d’un écran qui invite le visiteur à passer del’autre côté du miroir.

Enfin, dispersées dans l’exposition, les trois sculptures de Francesco Gennari ne renvoient pas seulement à la nuit comme expérience sensible mais aussi en tant qu’approche cosmique voire métaphysique du monde, comme le suggère La terre tourne le dos au soleil, fragile jaune d’oeuf déposé sur le marbre noir. Par un dépouillement des formes caractéristique du travail de l’artiste, une autre oeuvre plonge un vers dans les ténèbres d’un mausolée de bois. Dans Ascensione, reprenant ce choix de l’intériorité, des coquilles d’escargot soutiennent une plaque de verre dont la transparence initiale a laissé place à une inquiétante obscurité.

L’exposition « Visions nocturnes » propose de relire certaines pratiques contemporaines tendant vers l’abstraction à l’aube du Romantisme et du Symbolisme.
Plus qu’une exposition thématique, il s’agit ici d’accorder dans notre approche de l’art une place nouvelle à l’obscur, de manifester toute la complexité de l’oeuvre en revendiquant son sens caché, fût-il irrationnel. Au revers des Lumières, ces « Visions nocturnes » envisagent un monde fait d’ambiguïté, ouvert au doute et dont la signification reste définitivement à décrypter.

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