PHOTO | CRITIQUE

Valérie Belin

PKlaus Spiedel
@12 Déc 2004

Dans deux séries de portraits, Valérie Belin photographie des personnes réelles — des mannequins d’agences et de jeunes femmes noires—, en les transfigurant en avatars d’un monde virtuel.

Face à de la «photographie des artistes» (André Rouillé), on est souvent enclin à douter de la réalité de ce qui nous est présenté. Même si Thomas Mitchell se trompe lorsqu’il dit qu’il est, de manière générale, devenu impossible de distinguer la peinture et la photographie à l’ère du numérique, le doute à l’égard de la réalité se fait parfois pressant.

Devant les nouvelles séries de Valérie Belin la question se pose de savoir s’il s’agit de photographies de personnages créés, donc fictifs, ou d’images de personnes réelles. Ces êtres au regard fragile, tous dotés de la même teinte de peau, ne semblent pas appartenir à notre monde. Douze visages aux bustes dénudés surgissent uniformément du noir. Avec pour unique couleur saillante celle de leur bouche et de leurs yeux, ils semblent plus proches des personnages de jeux vidéos que de nous autres hommes.
Il s’agit pourtant bien de personnes réelles, en l’occurrence de jeunes modèles choisis dans les catalogues de «New Faces» d’agences parisiennes. Valérie Belin les a fortement maquillés avant de les photographier sous une lumière diffuse.

Au cours de la dernière décennie, un renversement s’est opéré. Notre incrédulité vis-à-vis des images s’est déplacée. Alors que les premières fictions numériques visaient à créer l’illusion du vrai à partir du faux, des artistes comme Valérie Belin réagissent aujourd’hui à l’essor des simulacres en créant des images du réel qui donnent une impression de virtualité.

Mais l’existence réelle des personnes photographiées par Valérie Belin n’est guère rassurante, puisque le doute qui s’impose entre réel et virtuel témoigne de ce fait que nous avons perdu beaucoup de nos repères.

Dans les portraits présentés chez Xippas, Valérie Belin réduit les marques de l’individualité de ses modèles au strict minimum, aux traits distinctifs les plus saillants de leur humanité. Laquelle se révèle de manière d’autant plus forte qu’elle est entachée de doute.

Une deuxième série de portraits est consacrée à de jeunes femmes noires, habillées de manière ethnique dans un mélange subtil d’extravagance et de sophistication.
Les choix esthétiques — lumière directe, tête légèrement tournée en gros plan — transfigurent les jeunes femmes en poupées. L’impression d’irréalité est esthétiquement produite à partir de modèles rencontrés dans la vie quotidienne, et au moyen d’une pratique ordinaire de la photographie — sans trucage, sans les technologies numériques, mais par le fruit d’une démarche cohérente d’artiste.

Valérie Belin
— Sans titre (06010101), 2006. Encre pigmentaire sur papier. 125 x 100 cm.
— Sans titre (06010201), 2006. Encre pigmentaire sur papier. 125 x 100 cm.
— Sans titre (06010401), 2006. Encre pigmentaire sur papier. 125 x 100 cm.
— Sans titre (06010901), 2006. Encre pigmentaire sur papier. 125 x 100 cm.
— Sans titre (06011001), 2006. Encre pigmentaire sur papier. 125 x 100 cm.
— Sans titre (06070401), 2006. Encre pigmentaire sur papier. 125 x 100 cm.
— Sans titre (06070701), 2006. Encre pigmentaire sur papier. 125 x 100 cm.
— Sans titre (06070101), 2006. Encre pigmentaire sur papier. 125 x 100 cm.
— Sans titre (06011301), 2006. Encre pigmentaire sur papier. 125 x 100 cm.

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