PHOTO | CRITIQUE

Un état

PMarie-Jeanne Caprasse
@21 Jan 2013

Saisir des images du monde et nous les rendre familières, non pas par reconnaissance mais par projection personnelle. Dans un souci constant de ne jamais expliquer, Valérie Jouve nous invite à faire notre expérience des villes palestiniennes.

Les paysages de villes présentés par Valérie Jouve n’ont pas de nom. Pour celui qui n’a jamais voyagé dans les territoires palestiniens, il est difficile d’identifier les lieux que l’on voit sur l’image. Mais l’intention de la photographe française n’est pas de réaliser un reportage sur la Palestine. En ethnographe travaillant sur l’espace urbain, elle cherche à montrer une autre manière de concevoir la cité et le vivre ensemble. Un monde oriental, manifestement différent de la ville française et ses banlieues sur lesquelles elle a longtemps travaillé précédemment.

Deux approches complémentaires coexistent. L’une présente des polyptyques en petit format où l’on peut voir l’activité de rue: des passants se croisent dans des lieux commerçants. C’est la vie intérieure de la ville, traversée et habitée tous les jours par des milliers de personnes, qui est ici montrée.

La multiplicité des points de vue traduit l’inscription des individus dans le collectif, ce que l’on nomme aussi les lieux publics. Ils apparaissent comme des visions génériques que nous sommes dans l’impossibilité de rattacher à un lieu précis mais qui traduisent cependant une identité orientale caractérisée, notamment avec la présence de nombreuses femmes portant le voile.

Autre point de vue sur la ville: de l’extérieur, en vue d’ensemble. Des paysages de villes en grand format englobent le spectateur. L’image explore la construction urbaine, ses limites, son étendue et son rapport au territoire adjacent. Si ces panoramas donnent à voir et ressentir une identité, on est aussi frappé par la variété des organisations urbaines. Chaque ville révèle une identité propre, prenant place sur un territoire naturel qui influe sur sa configuration.

Cette expérience d’un territoire que désire transmettre Valérie Jouve trouve sa pleine expression dans le film Traversée présenté ici. Alternant plans fixes et en mouvement, il recrée un cheminement dans le paysage et une temporalité de la découverte. La bande son diffuse les bruits environnants, les discussions et le bruit de moteur de la voiture, apportant ainsi une nouvelle dimension aux images, avec une matérialité sonore.

Ce road-movie sans queue ni tête ne raconte pas d’histoire. Valérie Jouve n’explique pas, ne commente pas. L’enjeu est à chercher du côté de la traduction d’une présence au monde, de l’expérience d’un territoire et de sa transmission qui serait davantage du côté de la sensation que de la connaissance.

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