ART | CRITIQUE

Toni Grand

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

Face aux œuvres de Constantin Brancusi, le travail de sculpture et de dessin de l’artiste français Toni Grand aborde le sujet de la matérialité de l’œuvre et de son impact sur l’espace.

Décédé en 2005, Toni Grand demeure une référence incontournable de la sculpture contemporaine. Se basant sur la préexistence du matériau, et non sur une forme préconçue et projetée dans la matière par l’artiste, son œuvre vise tant la sobriété des moyens que l’efficacité plastique: «Ma sculpture est immédiate, il n’y a pas un avant», dit-il.
Le Centre Pompidou lui rend hommage en exposant au sein de l’Atelier Brancusi, face aux œuvres du maître roumain, deux sculptures en bois «découpé» et une série de dessins-collages, tous datés des années 1970, et faisannt partie des collections du Musée national d’art moderne.

Après avoir travaillé le métal, Toni Grand est pendant un temps membre du groupe Supports/Surfaces, et partage avec Daniel Dezeuze, Vincent Bioulès ou Claude Viallat l’attachement à la simplicité et à l’«honnêteté» du matériau. Utilisant principalement le bois, qu’il soumet à des équarissages ou qu’il recouvre d’une matière résineuse, noire et épaisse, l’artiste respecte néanmoins son support pour en révéler toutes les capacités plastiques et expressives.
Toni Grand dit ne pas vouloir «dominer la matière», et revendique un rapport «onirique» avec le matériau, qu’il fait apparaître ou disparaître à volonté. Dans un film présenté dans l’exposition, Toni Grand prétend rejeter l’héroïsme du sculpteur face à la dureté de la matière, et se veut le révélateur de formes qui n’existent pas dans la nature. Multipliant l’effort sur le matériau à la manière d’un menuisier, l’artiste, par la forme, «donne le sens des gestes».

Ainsi le titre de l’œuvre Vert, équarri, équarri plus une refente partielle, équarri plus deux refentes partielles (1973), donne le rythme même de la réalisation de la sculpture. Cette pièce emblématique du travail de Toni Grand révèle une force plastique étonnante, alliée à une logique implacable de mise en forme.
La branche est équarrie une première fois pour former trois branches, dont deux sont fendues une seconde fois, et la troisième encore refendue, pour former une équation selon laquelle 1 = 2 = 4, où l’unité représente l’infini. Dans Bois écorce (1978-1979), le bois africain de Kotibé est simplement poli afin de mettre en valeur la beauté de la matière, et l’infinie variété des courbures du bois : selon l’artiste, «que le visible soit le visible ; pas d’un petit peu de visible, il y aura toujours assez de caché ensuite».

Enfin, une série de dessins-collages montre l’étendue de la réflexion de Toni Grand sur les enjeux de la sculpture. Là aussi, l’artiste sculpte, mais se confronte à la fragilité du papier, né lui-même du bois : les formes découpées sont recollées sur la feuille, évitant ainsi la perte de matière. A la manière des découpages de Matisse, Toni Grand parvient à trouver un compromis entre dessin et sculpture, deuxième et troisième dimensions, entre le creux et le vide, le positif et le négatif.

Toni Grand
— Vert, équarri, équarri plus une refente partielle, équarri plus deux refentes partielles, 1973
— Bois écorce, 1978-1979. Bois de Kotibé (essence africaine) –
— Sans titre, 1970-1971.

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