ART | EXPO

Sick bizarre defaced creation

21 Avr - 30 Mai 2009
Vernissage le 21 Avr 2009

Les grandes peintures de Damien Deroubaix jouent avec la profondeur de champ par la perspective et les rapports de taille entre des éléments singuliers : des forêts occupées par des cavaliers, des personnages issus du Ku-Klux-Klan et des grappes de microphones.

Damien Deroubaix
Sick bizarre defaced creation

Il n’y a rien de plus intéressant que de suivre une carrière. J’entends par là prendre le temps, à intervalles réguliers, de regarder des oeuvres et leur évolution, de voir comment un artiste développe sa technique et ses pensées. Cela peut se traduire par une ligne continue où chaque exposition apporte un éclairage nouveau sur la précédente, mais il peut aussi s’agir de ruptures radicales dans les formes permettant d’inventer de nouveaux objets à partir d’idées similaires.

Damien Deroubaix fait plutôt partie de la première catégorie : il peint sur papier depuis près de dix ans et, comme pour beaucoup d’artistes, une évolution que j’ai eue la chance d’observer réside dans la taille de ses formats. Ma première visite d’atelier, en 2004, dans une chambre d’un appartement berlinois, lui permettait tout juste de peindre des oeuvres de 2 x 1,5 mètres.

Heureusement les différents ateliers où il a travaillé dans les dernières années et les différents lieux où il a exposé (Welcome to our Neighborhood au Casino Luxembourg, Mental Image au Kunstmuseum de Sankt Gallen et, actuellement, La Force de l’art 02 au Grand Palais) lui ont donné la chance de «passer à la taille supérieure». Mais le format des peintures de Damien Deroubaix n’augmente pas juste comme pour un écrivain qui, à force d’écrire des nouvelles, diluerait vaguement son petit récit pour en faire un roman. Les grandes peintures de Damien Deroubaix sont des compositions de plus en plus complexes (l’artiste laisse peu à peu de côté une certaine symétrie qui faisait sa «marque de fabrique») et il joue aussi, désormais, avec une profondeur de champ où la perspective et les rapports de taille entre les éléments constituent le coeur de la composition.

Mais je suis surtout surpris lorsqu’il m’annonce, début 2008, qu’il part pour une résidence de six mois à l’Iscp de New York. Pour moi, Damien Deroubaix était le plus «allemand des artistes français» (voir le texte La Nausée Deroubaix dans art press n°331), obsédé par Dada et John Heartfield, par une provocation frontale et gentiment adolescente. A New York, il trouve un bel atelier où travailler, ses formats prennent de l’ampleur et son tissu de références germanophiles se déchire. Je ne parle pas, ici, du petit Brooklyn Bridge un peu branlant que l’on trouve dans ses dernières peintures mais, plus simplement, de la disparition des svastikas au profit de symboles plus riches ou de références directes à l’histoire de l’art.

Des forêts occupées par des cavaliers, des personnages issus du Ku-Klux-Klan et des grappes de microphones qui attendent qu’un oeil posé sur un socle se mette à parler m’évoquent autant la Renaissance, les extrémismes, une récente élection politique superbement médiatisée que le Big Brother omniscient du George Orwell de 1984 qui, aujourd’hui, existe à chaque coin de rue sous la forme de caméras de surveillance (objets que, d’ailleurs, on retrouve dans certaines des dernières peintures de l’artiste).

Pour faire vite : Damien Deroubaix a trouvé, aux Etats-Unis, la force de démonter ses propres idées et de recomposer son univers. Suivre un artiste, pour un critique, c’est aussi s’engager et tenter d’anticiper la prochaine étape. Et face à la perfection complexe des dernières oeuvres de Damien Deroubaix, je me demande simplement : faut-il s’attendre prochainement à une rupture radicale ?

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