PHOTO | CRITIQUE

Sans verre

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@12 Jan 2008

Les photographies en noir et blanc de Hannah Collins, Richard Monnier, Sophie Ristelhueber et Sarkis ici rassemblées sont sans vitre, sans cadre, sans couleur, souvent sans support rigide. Elles ont en commun d’ouvrir la possibilité d’une proximité brute avec le réel.

Sous le titre Sans verre, la galerie Arlogos présente des photographies en noir et blanc de Hannah Collins, Richard Monnier, Sophie Ristelhueber et Sarkis. Ce double parti pris — sans couleur et sans verre — rassemble des artistes assez différents. Richard Monnier recherche l’impact de la lumière par le contraste, Sophie Ristelhueber s’attache aux traces, Hannah Collins aux motifs, tandis que Sarkis travaille le gris.

Les recherches plastiques deer sont toujours en résonance avec les grands événements du monde. La série Fait — présentée à l’exposition Face à l’Histoire du Centre Pompidou en 1996 — se compose de photographies de traces laissées dans le sable du désert du Koweit lors de la Guerre du Golfe. Dans l’épreuve exposée ici des traces de véhicules forment des arabesques dans le sable, comme si le désert avait gardé des cicatrices des événements. Plus tard, Sophie Ristelhueber composera la série Every One (1994) à partir de clichés de plaies suturées — dont une immense vue du dos de femme zébré d’une longue cicatrice.

Chez Hannah Collins, dont la démarche est résolument graphique, l’usage du noir et blanc renforce les motifs et le dessin. Dans Talk, des fauteuils rassemblés près d’une fenêtre juxtaposent leurs courbes et les motifs de leurs broderies. Dans Snails in a Bag, des escargots entassés dans un filet composent une forme ombrée constituée d’une multitude de motifs en spirales. Dans The Violin Player, une violoniste joue dans une chambre où des matelas posés au sol confrontent leurs motifs.
Hannah Collins combine ici la répétition des objets avec la différence des motifs. Tandis que dans ses œuvres en couleur elle conjugue la répétition et la similitude, par exemple avec des gâteaux au chocolat, des beignets ou des bottes noires en vitrine.

Richard Monnier, qui est également sculpteur, a photographié en 1987, sur un même négatif, le lever du soleil, d’un même point de vue et pendant plusieurs jours. Il en est résulté l’œuvre intitulée Points du jour composée d’une succession de points lumineux — puisque le soleil se lève chaque jour à un endroit différent —, c’est-à-dire un dessin avec la lumière.
Le photogramme présenté ici est constitué d’un disque et de poussières blancs sur fond noir. Cette image a été réalisée en posant sur une feuille de papier photographique un objet et une pluie de poussière, puis en insolant. L’impact de la lumière s’est traduit par le noir des parties exposées, et par le blanc correspondant au contact de l’objet avec le papier sensible. Le photogramme, qui est une épreuve négative, propose une ressemblance par contact, non pas mimétique, mais au plus près de l’objet. Cette proximité avec l’objet est d’ailleurs renforcée par l’accrochage sans verre. Même s’il est transparent, le verre reste toujours un obstacle qui superpose aux images ses reflets ou déformations.

Sans artifices formels ni concessions, Sarkis photographie les murs en béton brut, les tuyaux et les poubelles d’un sous-sol de HLM. Un ensemble de vingt épreuves, à la lumière brutale comme un flash direct, accrochées sans cadre ni support, explorent sous différents angles cet espace sans qualités. La brutalité de la lumière, la modestie du noir et blanc, l’absence de cadre, la précarité volontaire de l’accrochage, tout contribue à constituer un équivalent esthétique à la pauvreté du lieu.

Sans vitre, sans cadre, sans couleur, souvent sans support rigide comme les grandes épreuves d’Hannah Collins collées sur toile flottante directement épinglées au mur, les photographies rassemblées dans l’exposition ont en commun d’ouvrir la possibilité d’une proximité brute avec le réel.

Hannah Collins
— Talk, 1997. 238 x 183 cm. Épreuve d’argent marouflée sur toile.
—Sans titre (Snails in a Bag), 1990. 220 x 190 cm. Épreuve d’argent marouflée sur toile.
— Sans titre, 1990. 263 x 173 cm. Épreuve d’argent marouflée sur toile.
— The Violin Player, 1987. 240 x 365 cm. Épreuve d’argent marouflée sur toile.

Richard Monnier
— Poussières d’étoiles, 1994. 106 x 92 cm. Photogramme.

Sophie Ristelhueber
— Fait, 1992. 100 x 130 cm. Photo noir et blanc marouflée sur aluminium.

Sarkis
— Opération Organe, 1972. 20 photos de 40 x 60 cm. Photo noir et blanc sur papier.

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