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Robert Mapplethorpe

26 Mar - 13 Juil 2014
Vernissage le 25 Mar 2014

Avec plus de 250 œuvres, cette exposition couvre la carrière du photographe: des polaroids des années 1970 aux portraits, en passant par les nus sculpturaux, les natures mortes, le sado-masochisme... Sculpteur dans l’âme, le photographe obsédé par la recherche d’une forme parfaite est habité par la question du corps et de sa sexualité.

Robert Mapplethorpe

L’exposition s’attache à révéler toutes les facettes de l’œuvre de Robert Mapplethorpe au-delà des clichés dans lesquels elle a longtemps été enfermée. Par exemple, un focus autour de ses deux muses Patti Smith et Lisa Lyon permet d’aborder le thème de la femme et de la féminité et de voir un aspect moins connu de l’œuvre du photographe. Robert Mapplethorpe est un grand artiste classique, avec une problématique de plasticien, qui a utilisé le medium de la photographie comme il aurait pu utiliser la sculpture. Au-delà de l’aspect artistique, cette exposition est aussi un témoignage sur le New York artistique des années 1970-1980.

Dans son entretien avec Janet Kardon en 1987, Robert Mapplethorpe explique que la photographie dans les années 70 était «le médium parfait» pour «une époque où tout allait vite». Robert Mapplethorpe ne voulait pas être photographe, en un sens, c’est la photographie qui l’a choisi. Plus loin dans le même entretien, il confirme: «si j’étais né il y a cent ou deux cent ans, j’aurais été sans doute sculpteur, mais la photographie est une façon rapide de voir et de sculpter. Lisa Lyon me rappelle les modèles de Michel-Ange, qui a sculpté des femmes musclées.»

Robert Mapplethorpe se positionne dès l’orée de sa carrière en Artiste avec un A majuscule. A l’opposé d’un Helmut Newton qui voulait être photographe de mode dès son adolescence et a transcendé cet art appliqué pour en faire un art à part entière en imposant sa vision du monde et de la photographie, Robert Mapplethorpe est d’abord un sculpteur dans l’âme et dans l’imagination, un plasticien habité par la question du corps et de sa sexualité et obsédé par la recherche d’une forme parfaite.

Dans le sillage de Man Ray, Robert Mapplethorpe veut être «créateur d’images» plus que photographe, «poète» plus que documentariste. Ses images viennent d’une culture picturale où l’on retrouve Titien (Le Supplice de Marsyas/Elliot et Dominik), David, Dali, et même et d’abord les grands de la Renaissance italienne, Michel-Ange, Piero della Francesca, Le Bernin…

Comme dans le roman de Huysmans, l’exposition est construite à rebours pour cet autre dandy de la fin d’un autre monde qu’est Robert Mapplethorpe. Partir de l’autoportrait à la tête de mort, c’est l’image d’un jeune homme déjà vieux, tragédie de la vie fauchée en plein élan par le sida, mais aussi cette posture finale presque royale, comme par-delà la mort, encore (un peu) vivant mais déjà dans la postérité de son œuvre, qui semble de sa canne pastorale nous inviter à le suivre dans le monde qu’il a construit en vingt années de photographie. Poursuivre avec la statuaire très présente dans les dernières années de Robert Mapplethorpe, les images des statues des divinités de son panthéon personnel: Eros, bien sûr, Hermès … L’artiste l’a toujours dit, il a utilisé la photographie pour faire de la sculpture, et il termine son œuvre par des photographies de sculptures. Ses nus étaient déjà des sculptures photographiques.

Pour apprécier l’art de Robert Mapplethorpe, il faut aussi le replacer dans le contexte socio culturel du New York arty des années 70 et 80, d’une part, et de la culture de l’underground gay de ce même espace-temps. Deux univers perméables et aussi radicaux l’un que l’autre. Pour mesurer l’explosion libertaire de cette époque il faut visionner Flesh, le film de Warhol avec Joe Dalessandro, qui narre 24 heures de la vie d’un jeune prostitué newyorkais; Midnight cowboy, véritable «chef d’œuvre» aux yeux de Robert Mapplethorpe. Pour comprendre la violence et la passion de la sexualité gay pour les jeunes newyorkais d’une époque répressive qui combattent pour leur libération, il faut lire The Beautiful Room is Empty, d’Edmund White (en français: La Tendresse sur la peau), itinéraire d’un jeune gay dans les années d’émeutes et de manifestations, mais aussi d’émancipation extrême; Dancer from the dance de Andrew Holleran (1978), pour se transporter dans les explorations sexuelles du Fire island des années 70.

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