ART | EXPO

Rob Pruitt et Mïrka Lugosi

02 Déc - 20 Jan 2007

Air de Paris présente un nouvel ensemble de peintures et de sculptures de Rob Pruitt ainsi qu’une série de peintures de Mïrka Lugosi.

Rob Pruitt et Mïrka Lugosi
Rob Pruitt et Mïrka Lugosi

Air de Paris a le plaisir de présenter un nouvel ensemble de peintures et de sculptures de Rob Pruitt. Des châssis réalisés à partir de panneaux isolants et recouverts d’une surface réfléchissante argentée sont éclaboussés de peinture rouge et rose vif puis recouverts de paillettes. Ces œuvres monumentales qui tapissent les murs de la galerie détournent l’histoire héroïque de l’expressionnisme abstrait américain en utilisant une palette fantaisiste et en laissant visible la nature des matériaux qui les composent. Au centre de la galerie, des blue jeans fourrés de béton brut ou de pâte à pain, réciproquement séchés à l’air libre ou cuits dans un four poilâne, sont agencés de manière insolite. Les matériaux utilisés et certaines poses « au repos » font de ces saynètes une allégorie du travail. Des postures frontales renvoient à l’image virile du cow-boy, d’autres plus complexes évoquent des positions sexuelles ou des figures mathématiques. Ces sculptures aveugles se reflètent sur les surfaces scintillantes des panneaux alentour mais sans volonté illusionniste. Ce sont les propriétés des matériaux, leurs qualités décoratives et leur capacité à générer des histoires qui sont au cœur du travail de Rob Pruitt.

«Le Malaise enchanté»
Mïrka Lugosi est « peintre d’images », dit-elle.
Cela me fait penser à l’univers nostalgique de l’enfance avec ses images données par la maîtresse ou trouvées dans les plaquettes de chocolat de cuisine, et qu’on rassemblait dans un album pour rêver. La « vraie » peinture est quelque chose de trop sérieux à ses yeux, aux immenses toiles peintes à l’huile ou à l’acrylique, elle préfère le papier, la gouache, les encres, la mine de plomb et les crayons de couleurs. Quant aux formats, ses œuvres sont rarement plus grandes qu’une simple feuille de papier à lettre et très souvent elles sont plus proches encore de la miniature.En fait, si Mïrka peint en tout petit, c’est, dit-on, parce que son atelier tient sur la table de la cuisine. C’est dans la promiscuité de ce boudoir incongru qu’elle explore les infinies possibilités d’un jeu de dames cruelles fréquenté par des petites filles dévergondées que Hans Bellmer n’aurait probablement pas renié. Nous ne sommes pas très éloignés non plus de l’univers onirique de Valentine Hugo ; ni de celui, pourtant très technique mais tout autant obsessionnel d’un Hernst Haeckel (Art Forms in Nature). Univers parallèles et comparables dans lesquels le détail a autant d’importance que l’ensemble.

Regarder, c’est toucher avec les yeux » dit-elle.
Il est vrai qu’il faut bien s’approcher pour examiner ses images. En plus de leur format modeste, elles fourmillent de micros détails qu’on ne peut apprécier qu’en se rapprochant encore. A tout point de vue, elles invitent à entrer dedans, à traverser le miroir. Décrire les images de Mïrka est délicat, car on ne sait pas exactement, ce qui nous est donné à voir. A l’inverse, les sentiments sont toujours d’une grande clarté. Celui qui domine est sans aucun doute le désir, il est pratiquement omniprésent dans toute l’œuvre de Mïrka. Le désir de voir, de toucher et de jouir, qui est le moteur de ces contes sans paroles. Du rêve, elle alimente son imaginaire et de l’observation, elle développe sa propre manière (il ne s’agit pas à proprement parler d’une technique car sa méthode est changeante et empirique). On pourrait dire que tout dans le travail de Mïrka Lugosi est déroutant, tant par sont contenu que sa réalisation, mais l’impression qui revient systématiquement devant ses œuvres est l’émerveillement.

Alors, il n’est pas étonnant qu’elle ait choisi de nous parler de sexe car c’est dans l’intime et l’interdit qu’elle aiguise les flèches qui vont nous toucher ou nous égratigner. Au-delà de l’imagerie érotique conventionnelle, elle exalte nos pulsions en proposant les siennes comme autant de pièces d’un puzzle qu’elle n’achève jamais de reconstruire. En couchant sa fantaisie sur le papier, elle se met à nue devant nous, fière et vulnérable à la fois, telle une biche surprise par son chasseur.

Gilles Berquet

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Julia Peker sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.

critique

Rob Pruitt & Mïrka Lugosi

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