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Retrospective en quatre-vingts photographies

15 Oct - 21 Nov 2009
Vernissage le 15 Oct 2009

Gilbert Garcin réalise depuis dix ans des collages faits de figurines - la sienne et parfois de celle de sa femme - qu'il place d'abord sur une maquette à l'aide de matériaux basiques. Une fois photographiées, ses oeuvres brillent par leur candeur et l'universalité des thématiques.

Gilbert Garcin
Retrospective en quatre-vingts photographies

Histoire d’un jeune premier… ou l’extraordinaire aventure de Monsieur Garcin vue par une galeriste encore sidérée

«Gilbert Garcin est un jeune premier qui célèbre pourtant ses 80 ans cette année, dont quinze d’une carrière fulgurante, plaisir que nous avons le bonheur de partager avec son public et ses nombreux aficionados par une exposition rétrospective et la parution d’un bel ouvrage chez son éditeur fétiche, Filigranes.
Cela peut paraître saugrenu, voire déplacé, de traiter M. Garcin de jeune premier, mais rassurez-vous, il ne m’en voudra pas, bien au contraire… En général, il en rigole discrètement, avec le ravissement faussement modeste de la star très respectée qu’il est devenu ! Pour mieux éclairer ce succès, voici un résumé des origines de son aventure.

Tout d’abord, c’est en mai 1998, à l’instar de milliers d’autres spectateurs depuis lors, que je suis tombée en arrêt devant les mises en scène pourtant toutes simples de Gilbert Garcin. Je l’ai découvert grâce à un grand révélateur de talents, Rui Prata, directeur du festival Encontros da Imagem de Braga, (Portugal) car il fit sa première exposition lors de ce festival. Mais c’est surtout la rencontre avec Gilbert Garcin et sa délicieuse femme Monique qui me séduisit : leur fraîcheur inattendue, un humour pince-sans-rire, mélange subtil de Marseillais et de Londonien, une simplicité à toute épreuve liée à une vraie fausse modestie…

C’est ainsi que Mister G. – comme je le surnomme tel un clin d’oeil à ses pairs : Messieurs Tati et Hitchcock – me plut tout autant que ses photographies : grand monsieur dégingandé mais très charismatique avec sa belle tête ovale émergeant bien droite de son grand imper, m’expliquant qu’il avait tout bonnement eu envie d’une seconde vie et qu’il s’était rendu pour cela aux stages d’Arles trois ans auparavant pour apprendre le photomontage. Depuis lors, il avait imaginé un personnage dont il porterait la défroque à l’instar d’un Tati, à qui il avait emprunté le chapeau dans ses premières images. Ce personnage, incarnation ambiguë de lui-même, tel une projection narcissique ou modèle idéal deviendrait l’interprète faussement burlesque de situations mises en scène.

Pour le reste, il avait cherché une méthode de création pouvant lui permettre de développer ses idées de manières autonome et économique – car «évidemment» il s’agissait au départ d’un éventuel amusement. Naturellement l’investissement se devait d’être avant tout un plaisir intellectuel et le fruit d’un travail personnel qui lui permettrait d’occuper au mieux sa vie et celle de sa femme par des rencontres et des voyages pour les années à venir car à l’évidence la seconde partie de leur vie se devait d’être motivante !

Le plaisir du voyage, pourquoi pas ! L’amusement également, mais cette aventure prenait un tour inattendu car cela se mêlait à un rêve d’artiste assumé ainsi qu’à un curieux mélange de spontanéité et de rationalisme, le tout chez un homme de 65 ans ! Tout cela paraissait effectivement si simple et humain, voire faussement naïf, mais le résultat en seulement trois ans de prétendu amusement parlait pour lui-même, et me suggéra mon propre plaisir !

Par la suite, ce qu’il disait se révéla être vrai tandis que lui-même s’avéra très attachant – même si sa personnalité peut être aussi ambiguë que le personnage qu’il s’est construit.

En effet, Mister G. n’est pas plus facile d’accès que l’énigmatique M. Hitchcock, et son oeuvre n’est pas aussi évidente que pourrait nous le faire croire une analyse par trop superficielle de ses photographies. Je découvris ainsi, au fil du temps, un véritable artiste – parfois complice, parfois distant, parfois pétaradant –, doutant en coulisse de lui-même malgré une apparente aisance heureusement consolidée par un caractère bien trempé de Marseillais philosophe et têtu. En effet, à 70 ans et en pleine envolée, Gilbert Garcin passait, somme toute, par les affres d’un jeune artiste tout en cherchant à atteindre ses rêves «inavouables de succès» avec la ténacité d’un ancien patron de Pme et surtout avec la volonté irrépressible d’un septuagénaire lucide sur le temps qui s’amenuise.

Parallèlement, Monsieur Garcin doubla son pragmatisme d’une méthode rigoureuse qu’il établit dès l’origine en travailleur obsessionnel et comme tout artiste sérieux. La sienne est simple et effectivement économique : après quelques réflexions humanistes, ou à partir de quelques recherches sur des thématiques universelles, qu’il pourrait éventuellement désirer incarner, il se donne pour tâche de réaliser quotidiennement des croquis de situations au potentiel emblématique ainsi que des photos de lui-même en correspondance. Il se sert par la suite de sa figurine découpée et parfois de celle de sa femme en la (les) plaçant dans une maquette construite avec des matériaux basiques (colle, cordelette, ciseaux, encre, papier, photos, etc.) à l’échelle d’une table.

Enfin, il réalise un minireportage photographique éclairé par deux vagues spots de jardin dans le minuscule cabanon de son grand-père à La Ciotat. Cette démarche accomplie, et au terme d’une sélection drastique, il se décide pour une seule image, et encore pas toujours, car l’échec est souvent au rendez-vous, comme le précise Gilbert Garcin en créateur philosophe. Chaque année ont émergé ainsi entre dix et quinze photographies, selon le succès du cheminement artistique, et après dix années s’est constitué un corpus impressionnant de plus de trois cents photographies.

Le plus sidérant est que Gilbert Garcin nous touche encore et toujours par ses petites mises en scène subtilement bricolées. Et si le charme opère, c’est que dans ces «petites philosophies», il nous parle d’évidences qui nous concernent tous : celle de la vie qui s’écoule, du temps qui fuit, de la ténacité qu’il faut pour continuer, que finalement la fausse modestie n’a pas lieu d’être et qu’il faut savoir s’engager.

Mister G. nous évoque en images qu’il est préférable de «faire de son mieux» (1999), même si on fait «le paon» (1997) tout en «connaissant ses limites» mais en visant «le coeur de la cible» (1998) car au fond on ne fait que «rejouer de vieux airs connus», celui de Narcisse ou celui de Sisyphe et d’Atlas, qui est de toute façon tantôt heureux tantôt malheureux car il aura toujours le poids du monde sur ses épaules… Et s’il faut, bien sûr, prendre quelques «précautions élémentaires» (2002) pour se préserver et s’il faut savoir notamment «garder son indépendance» (1999), il est nécessaire de «courir après le temps» (1995) car au fil de celui-ci «le plus court chemin» (2004) finit par se dessiner de lui-même jusqu’à «la dernière ligne droite» (2000). Et, malgré tout ou grâce au «regard des autres», sa «soif d’absolu» peut éventuellement aider à «changer [un peu] le monde» et à «conquérir [un peu] d’espace» poétique. À l’évidence: à chacun «le choix des moyens» (2004), pour lui il est devenu tant «l’artiste [que] son double» car «la tentation» (2003) a été trop grande de s’incarner lui-même, même s’il n’est au fond qu’un «funambule» sur papier, sans aucune certitude. De toute manière, le seul et «dernier miracle», c’est lui et sa femme et leurs 160 ans bien préservés dans leur «tour d’ivoire» qu’ils ont construite lors de «leur union» il y a maintenant cinquante-cinq années. Et par «crainte de l’ignorance», Mister G. nous invite à regarder «le dessous des choses» (2001) sans trop se fier «aux promesses du seigneur» ni aux «incertitudes de la reproduction» car sinon on risquerait de «vivre dans un désert» (1997), et il vaut mieux «lorsque le vent viendra» (2007), «s’être aimés» et avoir su préserver une «récolte tardive» à deux plutôt que d’avoir commis «l’irréparable» (2003) et d’avoir à subir «la colère divine» (2002) pour avoir été par trop «ambitieux» (2003) ! 
Bon anniversaire Mister G et Miss M !». Christine Ollier, in Mister G., Editions Filigrane, Paris, 2009

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Alexandrine Dhainaut sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.

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