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Répertoire pour une forme

05 Mar - 25 Avr 2009
Vernissage le 04 Mar 2009

Les travaux rassemblés ici traitent du « passage à l’œuvre » du document de travail. Ou, pour avoir recours à un terme plus littéraire, dans le passage du « paratexte » de l’œuvre - tout ce qui l’entoure et la prolonge -, à l’œuvre elle-même.

Communiqué de presse
Guillaume Constantin, Isabelle Cornaro, David Evrard, Charlotte Moth, Gilles Mahé, Gilbert & Georges et Guillaume Ségur
Répertoire pour une forme

« Répertoire pour une forme » se propose de prendre racine dans le « passage à l’œuvre » du document de travail. Ou, pour avoir recours à un terme plus littéraire, dans le passage du « paratexte » de l’œuvre – tout ce qui l’entoure et la prolonge -, à l’œuvre elle-même. Quand les sources, collectes d’images, croquis et autres bouts d’essais sont pris en charge par l’artiste lui-même, quand il les soumet à de nouveaux régimes d’exploitation altérant leur statut et leur situation d’origine et qu’il fait de ce « re-traitement » le sujet même de sa pièce.

Au-delà de la volonté des artistes d’assurer ainsi la survie à leurs sources et matériaux, laissés sans quoi « hors d’usage », c’est avant tout une manière de les remettre en selle à l’intérieur de leur production artistique. « Répertoire pour une forme » ou l’exposition du journal intime de l’artiste, revu et corrigé par lui-même.

En photographiant les doubles pages de classeurs dans lesquels il a répertorié ses sources (pages arrachées, photos, notes, croquis), David Evrard non seulement révèle des parcelles de ce qui constitue le terreau de sa pratique, mais convertit l’archive de sa matière première en objet esthétique, palliant ainsi au risque d’une accumulation morbide et stérile. L’objet saisi est complexe : un classeur, renfermant des références diverses et anachroniques, un répertoire, organisé suivant le principe d’une narration subjective, ou encore un objet dont la gravité dépend de la masse des documents réunis.

La pièce résulte de la somme de ces multiples facettes : à la fois objet document qui renseigne sur l’œuvre, porteur de l’histoire de sa fondation et œuvre en soi. Suivant une démarche similaire, l’artiste recopie au crayon ses carnets de croquis. Au mouvement de fixation d’un moment spontané de recherche et d’ébauche s’associe celui du recadrage et du redéploiement de l’image, vouée désormais à dialoguer avec le reste de son travail.

Contre une attention fétichisante portée aux traces laissées par la main du maître, Isabelle Cornaro passe quant à elle à l’impression de Bons à tirer ses croquis originaux – les notations standardisées des B.A.T se superposant aux lignes de découpes tracées à main levée.

Cette indexation du travail d’atelier, qui use du B.A.T comme du passage ultime de validation du document, est paradoxalement l’occasion d’en proposer une infinie reproductibilité. Au cœur de cette attention rétroactive, se pose encore la question de la représentation du document de travail et de la possibilité de faire passer au domaine public ce qui était originellement destiné à un usage privé.

Pour les Zines bloc notes, une dizaine d’artistes ont répondu à l’invitation qui leur avait été faite par la maison d’édition suisse Boabooks, dirigée par Izet Sheshivari. Le principe est simple : remplir une page sur deux d’un bloc de feuilles A4, conservant ainsi la fonction originale du cahier de brouillon.

On y trouve par exemple les 395 photographies de Rome en basse définition de Raphaël Julliard, qui constitue un carnet de voyage où chaque image est prise par téléphone portable et systématiquement squattée par une réplique miniature du Colisée, ou encore une collection d’images arrangées par Aurélien Mole suivant un principe de marabout mental.

Tout est matière à transformation et à reproduction, semblent nous indiquer les artistes. Tout peut être rejoué, les cartes redistribuées pour intégrer un nouveau contexte et façonner un nouvel ordre. L’œuvre de Charlotte Moth est en ce sens exemplaire : un livre qui documente une exposition n’existant autrement que recomposée à l’intérieur de ses pages. Ici, l’œuvre est mise en résonance avec deux photographies de l’espace de La Vitrine.

Comme si, outre cet objet, document d’une installation qui a eu lieu dans un espace d’exposition classique (une sorte de pièce pour socles et plantes vertes que l’artiste a à maintes reprises ré-agencé dans la salle), c’est le principe même du livre qui peut être rejoué ailleurs, au gré des lieux où il est invité à circuler. L’objet répertoire de Guillaume Constantin est lui fabriqué à partir d’extraits de spams, collectés par le commissaire et critique Yoann Gourmel. Chaque extrait marque en lettre capitale la feuille selon le principe d’abécédaire. Cette tentative de classification anachronique des collages de phrases aux tonalités familières à l’intérieur d’un inventaire jauni par le temps produit au final des poèmes aux consonances de Haiku contemporains.

L’exposition se déroulera sur fond d’une visite de la maison des deux compères anglais Gilbert & Georges, mus par une attitude archiviste monomaniaque, qui les pousse à classer aussi bien les éléments de leur vie quotidienne que leur travail. La vidéo trouvera un écho dans le numéro « Gratuit » réalisé par Gilles Mahé en 1994 : un tirage photographique noir et blanc d’une collection de livres d’art rangés par ordre alphabétique. Le spectateur est invité à feuilleter les pages comme il parcourrait une bibliothèque.

A travers une diversité d’objets médians, vacillant volontairement entre oeuvres et documents, « Répertoire pour une forme » renouvelle le sens du principe d’archivage, compris désormais comme un procédé actif, générant des répertoires en marche permanente. Ce qui était habituellement appelé en renfort par les professionnels de l’art pour organiser et orienter la réception de l’œuvre, se range désormais du côté de la production elle-même, générant une double lecture où le document de travail expose l’œuvre en même temps qu’il s’y expose. Le paratexte a définitivement quitté sa position de simple auxiliaire et escorte de l’œuvre pour endosser celle de l’œuvre elle-même, dont il produit en retour une « mémoire vive ».

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