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Quelle critique artiste ? Pour une fonction critique de l’art à l’âge contemporain

Aline Caillet, professeur d’esthétique, propose de repenser la fonction critique de l’art, après l’intégration institutionnelle de l’art, la récupération par le capitalisme des valeurs et postures alternatives, la fin des grands écrits...

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Présentation
Aline Caillet
Quelle critique artiste ? Pour une fonction critique de l’art à l’âge contemporain

Extrait de l’introduction, «L’idée d’une critique artiste»

«Les années quatre-vingt-dix/deux mille, en matière d’art contemporain, ont été sous le sceau d’un double discours concomitant. Le premier accusait la mort de l’art dit politique, attestée aussi bien par la récupération institutionnelle des néo-avant-gardes que par l’explosion du marché de l’art et la labellisation de l’œuvre d’art comme marchandise. Le second, sur fond de cette révocation, corrigeait l’ambition contestataire de l’art de la modernité (avant-gardes et néo avant-gardes comprises) dans un art de la socialité — l’esthétique relationnelle défendue par le critique d’art Nicolas Bourriaud, ou encore micropolitique — promu par l’historien Paul Ardenne : dans un art en somme de son âge, postmodeme, en repli sur la sphère relationnelle ou locale, et désertant les terres habitées par les grands récits de la modernité.

Si, sur le terrain de l’histoire de l’art, certaines des pratiques artistiques invoquées manifestent pour partie une approche renouvelée de la fonction critique de l’art, elles coexistent cependant avec d’autres formes plus usitées, sans que l’on discerne toujours très bien, sinon à s’en remettre à l’arbitraire de leurs partisans, les critères esthétiques qui légitiment leur rapprochement ou leur distinction. C’est ainsi que par la seule magie de l’expression — « l’interaction », un artiste comme Rirkrit Tiravanija rejoint Felix Gonzales-Torres, ou que dans l’indistinction d’un item — l’ »ex-situ », des pratiques d’art d’intervention dans l’espace public se voient disqualifiées tout en étant promues par ailleurs. Dans ces conditions, difficile de déterminer ce qu’est un art politique ou critique, mort ou vivant, moderne ou contemporain, et ce qui fait la teneur critique, voire même subversive, de telle pratique plutôt que telle autre…»