ART | EXPO

Prendre soin ?

07 Juil - 07 Sep 2017
Vernissage le 07 Juil 2017

L’exposition « Prendre soin ? » inaugure, dans le Centre hospitalier de Tonnerre, la nouvelle fonction de la Pharmacie hospitalière qui devient lieu d’exposition — dont le projet s’inscrit dans le cadre du programme national « Culture et santé ». Treize artistes contemporains sont réunis, de Alain Buffard, Claude Lévêque, Ernest Pignon Ernest à Jeanne Susplugas.

La Pharmacie du Centre hospitalier du Tonnerrois s’est métamorphosée en lieu d’art. Encore toute investie des médicaments et de toutes les évocations d’images qui envahissent nos mémoires et nos imaginaires. Elle devient la demeure d’une exposition où le corps sera l’objet de toute notre attention. C’est le corps entre la vie et la mort, intime, souffrant, réfugié, exilé ou incarcéré, tour à tour compris comme anatomique, machinique, ou prophétique.

Que peut un corps ? Comment prendre soin aujourd’hui de son corps, du corps de l’autre ? Que signifie « prendre soin »? C’est en prenant le détour de l’art contemporain que les soins sont convoqués au sens large (distribuer des soins) autant que sous l’aspect care (l’accueil de l’étranger). Le mot anglais care est à la fois un verbe signifiant « s’occuper de », « faire attention », « prendre soin », « se soucier de », mais aussi un substantif qui pourrait se traduire en français par attention, sollicitude, « concernement ». C’est la condition d’homme confronté à la finitude qui cohabite à Tonnerre avec un corps-machine, utilisable, déficient, avec ses pannes, ses déficiences et avec tous les trafics que lui vaut sa nature marchande.

Je suis un corps. J’ai un corps. Ce corps est moi. Comment penser le corps aujourd’hui en extériorité ? Le corps devenu expérience, moyen de connaissance et d’action, s’ouvre aux morceaux d’espace qu’il traverse et qui le traversent. Si les artistes reprennent les questions de l’exclusion ou de la pathologisation des corps dans la représentation, c’est pour mieux affirmer encore que le corps, le sexe et le politique ont plus que jamais partie liée. Avec Nina Simone : My Baby just cares for me !

Alain Buffard, danseur et chorégraphe, se rebelle contre le sexe empêché et le corps entravé par la séropositivité : ce qui ne se montre pas, il va l’exhiber. Le corps dans son œuvre est engagé comme corps qui parle, mais aussi comme corps qui fait symptôme (le corps aimé, aimant, baisant, malade, en transe et transgenre).

Les photos d’Ernest Pignon Ernest et quelques dessins préparatoires de la série Soweto (2001) traitent des ravages du sida en Afrique du sud. Par la photo, Philippe Bazin pense le visage depuis les années 80 dans des images de corps d’enfants, d’aliénés et de vieillards dans le champ photographique de l’art.

Jeanne Susplugas sort sa trousse à pharmacie, et sature les espaces d’allusions à la médecine ; un rouleau compresseur écrase un chemin de boîtes de médicaments, c’est Mass destruction. « Le médicament est pour moi, le miroir des maux de chaque société » dit-elle.

Françoise Parfait traite une image de presse de clandestins cachés dans un camion en mimant le mouvement du scanner qui la balaie. Un « marqueur politique discret » ? Les corps n’ont pas déserté.

Véronique Verstraete pense au réconfort de ces corps : elle crée une sculpture de fourrure Sof(a)tness. L’objet se métamorphose en sculpture dès qu’une personne y prend place.

Diane Watteau montre la parole au travail de la guérison à travers le « Cas K. » dans un montage vidéo sur Lou Andreas-Salomé. Psychic/ Lou.

Le corps remplit aussi les creux de l’histoire dans toute l’œuvre de Claude Lévêque, en écrivant partout que « ça saigne », que « c’est la peste », que « c’est foutu ». La monumentalité de ses écritures intimes crée un vacarme visuel qui fait de l’œuvre un avertisseur majeur sur nos dérapages et notre grande urgence à vivre.

Commissariat
Diane Watteau et Jean-Louis Déotte
— Jean-Louis Déotte est professeur des Universités, émérite, philosophe.
— Diane Watteau est artiste, universitaire Paris 1 Panthéon-Sorbonne et critique d’art (AICA).

Évènements
— Vernissage le 7 juillet 2017 à 18h. Performance de Jeanne Susplugas Mass destruction.
— Journée d’études le 7 juillet 2017 de 10h à 17h avec Jean-Louis Déotte, Gérard Danou, Vanessa Desclaux, Agnès Foiret, Sarah Roshem, Adolfo Vera, Christiane Vollaire et les artistes présents.

Publication
Un catalogue Prendre soin ? est publié dans la collection Créations&Patrimoines, sous la direction de Sandrine Morsillo, UMR ACTE-Sorbonne-CNRS, Université Paris

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