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Photographies 1996-2009

29 Avr - 21 Juin 2009
Vernissage le 29 Avr 2009

Les photographies d’Anne-Lise Broyer témoignent d’une culture nourrie de films, de littérature, de musique et de chansons qui sont sources de réminiscences sensibles.

Anne-Lise Broyer

Photographies 1996-2009

« On demande souvent aux artistes, quel est le point de départ de leurs recherches, de leur démarche… Je crois que je peux dire en toute sincérité qu’avant d’être artiste, je suis avant tout une « lectrice », et que ce qui au fond a déclenché et déclenche encore chez moi l’acte créatif, c’est bien l’expérience de la lecture.

En fin de compte, chaque image que je peux produire, ne serait-elle pas la retranscription d’un bouleversement plus ou moins ancien, provoqué par la lecture ? Les lieux que je photographie auraient-ils donc été déjà lus avant d’être vus ?

Aussi l’expérience de la photographie, je veux dire celle de la prise de vue ne pourrait-elle pas se comparer à celle de la lecture ? Comme s’il s’agissait, en photographiant, d’avancer dans sa vision comme on avance dans un livre, dans une sorte d’acuité en état d’hypnose… comme plongée, submergée par le monde.

Et ce n’est pas un hasard si les premiers photographes qui m’ont d’abord intéressée, sont des écrivains. Je pense à Hervé Guibert, Claude Simon, Denis Roche, Nicolas Bouvier… ou des photographes qui côtoient de très près le monde littéraire et dont le travail trouve sa justification réelle dans l’objet livre… Bernard Plossu, Magdi Sénadji, Ralph Gibson (pour sa trilogie) etc.

La photographie est donc pour moi un lieu éminemment littéraire, romanesque… Un livre avec des figures et des lieux n’est-ce pas un roman ? (Hervé Guibert, In « Le seul visage »)

J’ai très vite abordé la photographie dans son plus « simple appareil ». Un modeste Nikon mécanique et un 50 mm. J’utilise encore l’agentique car il m’importe d’être dans cette matérialité, avoir dans les mains le film, la bande sensible sur laquelle s’écrit, s’imprime l’image dans ce fragment de temps où le noir est total et dans le fantasme, certes farfelu, qu’au moment où le miroir se renverse, se reflètent, non seulement la lumière, mais aussi la pensée, non seulement et / ou en même temps.

Le noir & blanc fut choisi pour la couleur du texte, quelque chose comme de la matière grise, comme si chaque grain du tirage était une lettre, une fonte, comme en filigranes, invisible à l’oeil nu, réminiscence, archéologie du texte. Un appareil que j’ai choisi lourd, qui conditionne le geste, un geste lent.

Aussi ai-je très vite compris qu’il ne s’agissait pas pour moi de fixer l’action, mais plutôt son retrait. L’image fixe plutôt que celle en mouvement, c’est penser que c’est plutôt à moi de me mettre en mouvement. N’est-ce pas la définition de l’émotion ? C’était précisément observer le silence et atteindre, tendre vers une forme pensive plutôt qu’une forme pensée, c’était et c’est toujours « peindre non la forme mais l’effet qu’elle produit » (Mallarmé)…

Une économie du peu participe de ce ralentissement, une image doit rester rare, est rare. Je crois, comme Hervé Guibert, que la pratique de la photographie n’a d’intérêt pour moi que précisément dans la résistance que j’éprouve à son égard, dans cette façon rétive, prudente de la pratiquer.

Dans ce questionnement permanent qu’elle peut entretenir avec les autres arts. L’emprunt du montage au cinéma afin de créer le rythme interne d’un livre, un montage cut, un plan séquence, etc. Je pense à Robert Bresson, dans ses Notes sur le cinématographe « Il faut qu’une image se transforme au contact d’autres images, comme une couleur au contact d’autres couleurs. » Finalement ne serait-ce pas plutôt l’entre-images qui me préoccupe ? » Anne-Lise Broyer

Dans cette envie qu’a la Galerie VU’ de s’engager toujours avec de nouvelles écritures, de nouvelles façons de voir et de pratiquer la photographie, le choix d’Anne-Lise Broyer s’est imposé comme l’évidence d’une reconnaissance. Celle d’une culture nourrie – comme le montrent ces trois séries réunies pour la première fois à Paris – de films, de littérature, de musique et de chansons qui sont sources de réminiscences sensibles et vont au-delà de la simple inspiration.

Elle s’inscrit ainsi naturellement dans l’histoire de la Galerie qui réunit des photographes partageant les mêmes liens avec d’autres arts. Sa photographie, pratiquée avec parcimonie, ne naît pas d’un désir spontané mais d’une construction mentale très élaborée.

Ses images prennent peu à peu leur place dans une construction qu’elle définit au gré du récit qu’elle élabore. C’est une photographie qui demande du temps et de l’espace. D’où l’utilisation très personnelle de l’espace pour donner au temps sa place et qu’ensemble ils installent une distance juste.

13 années de photographie ne peuvent être considérées comme une rétrospective, surtout quand la photographe vient de fêter ses 34 ans… Non, il en va d’une autre décision.  Celle de montrer une autre photographie qui ne peut aller sans une autre façon de la montrer. L’image argentique, merveilleusement tirée par Guillaume Geneste, s’enrichit alors de la présence du dessin, du texte et du son dans l’espace revisité de la galerie.

critique

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