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Peintures

06 Sep - 11 Oct 2008
Vernissage le 06 Sep 2008

Les peintures de Marlène Mocquet mêlent bien des sentiments: le beau et le laid, le bien fait et le mal maîtrisé, le subtil et le grossier. De fait, rien n’est donné d’emblée dans ses toiles, l’oeil doit ici travailler davantage pour appréhender un monde de détails, faits d’êtres et de formes étranges.

Marlène Mocquet
Peintures

Diplômée en 2006, avec les félicitations du jury, de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris, Marlène Mocquet s’est très vite distinguée, sur la jeune scène française, par la singularité de sa peinture. Sans souci de démarcation, mais mue par une nécessité qui lui est propre, elle transcrit de toile en toile, un univers personnel, enfantin ou naïf diront certains, mais pour le moins poétique, fantastique et inquiétant, et cependant jamais dramatique.

Ses compositions, espaces scéniques réduits à l’essentiel, dans lesquels se trament d’improbables huis clos, accueillent dans d’harmonieuses et chatoyantes ambiances colorées, une faune bigarrée et éclectique. Cette foule, aux yeux exorbités et à la bouche grande ouverte, est composée pour l’essentiel de petites filles à la robe rouge, d’êtres bicéphales, de personnages schématiques et squelettiques, de nuées d’oiseaux agressifs, d’animaux et de monstres, tantôt menaçants tantôt protecteurs.

La peinture de Marlène Mocquet dérange tout autant qu’elle suscite la curiosité ; d’une part parce qu’elle redonne corps à l’émotion, et d’autre part, parce qu’elle ne cesse de jouer d’ambivalences qui provoquent, tour à tour, sentiments et jugements divergents: mal fait-bien fait, beau-laid, dissonant-harmonieux, raffiné-grossier.

Elle réveille par ailleurs une vision caricaturale et romantique de l’art de peindre, fondée sur l’idée reçue d’une relation indéfectible entre spontanéité, liberté d’expression et choc des coulures.

Pour toute jeune qu’elle soit, Marlène Mocquet laisse peu de place au hasard et procède avec une grande maîtrise. Sans aucune restriction, elle utilise une infinité de techniques qu’elle mêle allégrement. Pour exemple, à l’opacité d’une matière épaisse répond la translucidité d’un jus coloré, ou la légèreté de la pulvérisation à l’aérographe, ou à la bombe. L’utilisation de la résine engendre ça et là, des effets de glaçage qui, outre leur brillance, lissent la surface tout en accentuant la matérialité de la touche. Ou encore, elle recycle des croûtes de peinture et déverse le sac de son aspirateur pour créer des effets de matière.

Marlène Mocquet éprouve continuellement les possibilités infinies du médium pictural, pour certaines expérimentées par ses prédécesseurs et qu’elle reprend à son compte ; de l’automatisme des surréalistes, aux coulures de l’expressionnisme abstrait en passant par les « matériologies » et les « texturologies » de Jean Dubuffet.

Depuis peu, elle étire les couleurs par raclage à la manière d’un Richter pour produire des moirés ou procède à la dissolution de la forme dans un jeu de marbrures subtilement colorées. Ces procédés abstraits sont autant de supports d’hallucinations préfixées. Elles l’autorisent à faire émerger ici et là, au grès de son imagination, une multitude de personnages et d’impossibles créatures qui surgissent plein champs ou restent embusqués dans les replis de la matière.

Cette variété de traitement n’empêche en rien la cohésion stylistique de son œuvre qui s’inscrit dans la filiation directe du Symbolisme, de l’Expressionnisme ou encore du Surréalisme, mais avec une charge somme toute moins pathétique. Ces références nobles auxquels font appel ses oeuvres, sont métissées par les apports d’une culture visuelle populaire qui évoque aussi bien l’imagerie des mangas que celle de l’illustration, caractérisées par sa propension à l’hypertrophie des têtes, à l’humanisation de tout motif, par l’adjonction d’appendices oculaires et de bouches.

L’appréhension des peintures de Marlène Mocquet s’opère selon deux modes. L’un immédiat qui correspond à la saisie rapide de la composition dans sa totalité, l’autre plus lent qui, au rythme d’une attention minutieuse, favorise une plongée au cœur de la peinture pour en saisir les multiples saynètes qui agissent, à un registre secondaire, comme autant de grotesques. Sa capacité à manipuler ces deux registres, l’un mineur et l’autre majeur, est par ailleurs corrélative de sa facilité à travailler les petits comme les grands formats.

Si les titres de Marlène Mocquet emprunts d’une certaine poésie, fonctionnent comme d’absurdes et d’énigmatiques légendes, pour autant ses œuvres bien que figuratives et signifiantes, ne sont pas stricto sensu narratives. Elles procèdent par ellipses pour transcrire un monde en suspend.

Ses acteurs, aux activités aussi mystérieuses que dérisoires, observent, scrutent, s’interrogent, discutent, s’ébahissent, semblent tour à tour joyeux, apeurés ou effrayés. Ils errent, chutent, s’envolent, se rattrapent aux aspérités des reliefs, aux tiges des fleurs, aux jambes des animaux ou encore aux bouches de figures plus grandes, tantôt bienveillantes tantôt menaçantes quand elles ne semblent pas vouloir les dévorer ou les régurgiter. En perpétuel état de précarité, ils semblent en sursis et constamment menacés, dans leur vaine agitation, par une chute qui ne sera tôt ou tard inévitable à l’heure d’un « jugement dernier ».

Enfin, la répétition d’une même figure rappelle le principe de la narration continue, cher aux peintres du début de la Renaissance ; procédé selon lequel se juxtaposent les différentes séquences d’une même histoire à l’intérieur d’une même toile.

Marlène Mocquet traduit ainsi une relation émotionnelle au monde, à l’autre et au différent, faites de désirs, d’espoirs, de joies, de peines et de peurs. La petite fille à la robe rouge, récurrente et omniprésente, est d’une certaine mesure l’alter ego de l’artiste ou de tout autre quidam, partagé entre l’observation et la volonté de compréhension d’une comédie humaine qu’elle indexe et dont elle est elle-même l’actrice.

La béance obscure des bouches d’où aucun son ne s’échappe est le signe de l’impossibilité de dire la beauté paradoxale et la fragilité de l’état d’être. Marlène Mocquet, de peinture en peinture, livre une vérité pas toujours simple à accepter. Sa mise en forme, celle de la fable et du conte philosophique, laisse néanmoins poindre une note d’optimisme.

A l’occasion de cette seconde exposition personnelle à la Galerie Alain Gutharc, Marlène Mocquet présente cinq à six grands formats carrés de deux mètres sur deux, extraits d’une nouvelle série de peintures. Cet  ensemble permet de mesurer combien sa pratique depuis deux ans ne cesse de gagner en virtuosité technique, en richesse d’invention et de se complexifier.

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Laura Houeix sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.

critique

Marlène Mocquet

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