LIVRES

Pauline et Pierre

Pendant vingt ans, Hugues de Wurstemberger a photographié ses enfants. A rebours de l’imagerie familiale habituelle, naï;ve et rassurante, il a transformé l’enfance de Pauline et Pierre en un territoire privilégié de l’imagination.

— Auteur : Hugues de Wurstemberger
— Éditeur : Quo Vadis
— Année : 2005
— Format : 25 x 25cm
— Illustrations : plus de 70 illustrations en noir et blanc
— Pages : 120
— Langues : français, anglais (traduction du français par Susan Mackervoy et Ros Schwartz)
— ISNB : 2-9600394-7-5
— Prix : 40 euros

PRÉSENTATION
Par Naï;ri Sarkis

Pendant vingt ans, Hugues de Wurstemberger a photographié ses enfants. A rebours de l’imagerie familiale habituelle, naï;ve et rassurante, il a transformé l’enfance de Pauline et Pierre en un territoire privilégié de l’imagination. Une centaine de photographies en noir et blanc, format carré, constitue cette chronique familiale sans durée qui fait basculer les menus événements du quotidien dans l’univers intemporel du conte. Autour des enfants, la mouche, le caillou, le champignon, la forêt, le nuage, le chien mort et le chat vivant… à eux tous le photographe insuffle vie, maniant tour à tour magie noire et magie blanche.

La fiction se déroule au rythme des associations d’images. La mise en page, juste et subtile, fait dialoguer les photographies et tisse des liens fictionnels. Nous sommes transportés, tantôt aux limites du rêve, tantôt à celles du cauchemar. Hugues de Wurstemberger travaille cette ambivalence en réunissant des images légères, douces, sereines, sombres, inquiétantes, parfois morbides.

L’histoire que le photographe nous laisse inventer soude les enfants et la terre. De l’un à l’autre, des formes ténues entrent en résonance Les images sont traversées par une ligne, ligne qui sillonne l’omoplate de Pauline et la petite route de montagne bordée de neige, ligne qui creuse la chair de la grand-mère et l’écorce d’un arbre, ligne que dessine le photographe au fil de ce qu’il nomme un «voyage intérieur, fragmentaire».
Les enfants partagent ainsi la fragile condition d’un petit tas de neige ou d’un rayon de soleil sur une cime. Les visages et les traces éphémères émergent de l’obscurité sous l’effet improbable d’un éclat, d’un scintillement ou d’un reflet. Inlassablement, Wurstemberger photographie l’échappée lumineuse, celle-là qui perce dans la forêt, celle-ci qui traverse l’eau du bain.

Ces images sont le fruit d’une recherche plastique manifeste. Celle-ci trouve son expression dans une économie de moyen, proche de celle de Ralph Eugene Meatyard. Dans un registre beaucoup plus sombre, détaché de l’événement et du quotidien, accordant peu de place au hasard, Meatyard a construit autour de ses enfants un univers de formes régi par la métaphore des associations. Certaines images de Wurstemberger permettent d’évoquer l’univers inquiétant de Meatyard, mais elles s’en détachent par ailleurs, notamment dans le rapport qu’elles entretiennent avec la réalité.

Christian Caujolle, commissaire de l’exposition «Pauline et Pierre» présentée à la galerie VU à l’occasion de la sortie du livre a parlé d’un «album de famille dont les enfants sont les acteurs principaux».
Si certains passages du livre évoquent une fiction aux allures de conte, le spectateur ne peut pour autant s’approprier cette histoire tant elle est indissociable du contexte de sa genèse : la famille Wurstemberger. Le photographe n’a pas la volonté de créer une pure fiction, mais une «chronique lacunaire» des sien. L’adjonction d’un texte du photographe conclut la série d’images en l’inscrivant dans une démarche autobiographique : il y consigne, dans une écriture concise et poétique, ses «fragments» de souvenirs. Et lorsqu’il évoque ses photographies, il est toujours question de filiation, il affirme ainsi la nécessité de leur existence : «Ces images sont les dix doigts de mes deux mains».

Si l’album de famille est, comme le souligne Caujolle, tout à fait d’actualité, ce n’est pas seulement en raison de son intérêt documentaire. Nombreux sont les artistes et photographes qui recyclent, s’inspirent, déclinent la forme de l’album de famille, notamment à travers le livre de photographie.
L’album devient ainsi prétexte à une résurgence de l’intime dans l’art. Les photographies du livre de Hugues de Wurstemberger ne rencontrent évidemment pas les codes esthétiques des photographies des albums de famille, mais elles partagent toutefois leur double nature : fictionnelle et autobiographique. Ce qui fait dire au photographe au sujet de ses images : «Je les connais depuis si longtemps, patine intime, qu’elles me sont devenues légendaires, le conte que je raconte».

AUTEUR
Né à Berne (Suisse) en 1955, vit et travaille en Belgique.
Phtographe, membre de l’Agence Vu depuis 1990.