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Ouverture 6

PPerin-Emel Yavuz
@12 Jan 2008

Pour l’ouverture de leur sixième saison, les Laboratoires d’Aubervilliers programment, selon leur identité pluridisciplinaire, les œuvres de deux artistes: le film Big Bright Baby de l’écrivain Patrick Bouvet et la pièce Arnold versus Pablo du danseur-chorégraphe Rémy Héritier.

Le film de Patrick Bouvet, Big Bright Baby, s’appuie sur un texte inédit de l’auteur et offre au spectateur l’étrange dialogue entre un homme et ses obsessions. Ce dialogue revêt au moins deux formes clairement identifiables.
Il s’agit d’abord d’un monologue intérieur dans lequel l’homme laisse libre cours à sa parole. Sur l’écran, défilent l’autoroute et le périphérique dans un rythme effréné qui semble diriger et même accentuer la frénésie de cette voix off. Images et voix s’associent pour figurer le processus intérieur qui se joue dès lors sur l’écran.
Le fulgurant travelling avant est entrecoupé de façon répétitive par une série de courts passages répétitifs, dont on comprend qu’elle appartient au réseau obsessionnel de cet homme. Une femme, son fantasme. Filmée tout en lenteur et en volupté, elle participe à ce récit dont la construction, laborieuse, ne peut que se caller sur l’aléatoire du mécanisme mental. Sans résolution, cette errance nocturne fascine pourtant par le fait qu’elle convoque un sentiment curieux d’ambivalence lié à l’étrangeté d’une voix intérieure et anonyme posée sur des images collectives.

De même que Big Bright Baby développe un espace intérieur lié aux obsessions, Arnold versus Pablo − la pièce de Rémy Héritier − s’articule autour d’un moment mental, celui de la prise d’une décision. Deux personnages commencent par cacher chacun un couteau. Puis, dans espace psychologique situé à la frontière de la complicité et de l’hostilité, ils se rencontrent, se fuient, s’évitent, s’observent, etc. Dans l’affrontement, les coups portés par des membres désarticulés s’avachissent sur des corps qui ne résistent pas. Dans la séparation, les postures circonspectes révèlent une tension dont la marque la plus vive est la main d’un des personnages qui frappe violemment un projecteur.
Mais les couteaux demeurent immaculés. D’indices d’un crime possible, ils deviennent symboles de cet état décisif qui précède l’acte et/ou son évitement. Finalement cette tension entre retenue et licence semble trouver sa résolution dans la parole. Un dialogue entre les deux personnages, couvert par une musique d’Éric Yvelin, désamorce le nœud dramatique, ce que confirment les corps relâchés.
Au-delà d’une lecture narrative, cette pièce instaure, par une écriture subtile − mélange d’un théâtre muet et d’une danse parlée −, la perception d’un temps solitaire et dense.

Patrick Bouvet
Big Bright Baby, 2005. Film. 26 min.

Rémy Héritier
Arnold Versus Pablo, 2005. Pièce chorégraphique.

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