ART | CRITIQUE

Me, Buy-Sellf and I

PNicolas Bauche
@12 Jan 2008

Bruno Peinado fait une brillante halte plastique à la Galerie Lœvenbruck qui présente «Me, Buy-Sellf and I», clin d’œil ironique au film de Miranda July. Pour l’occasion, l’espace s‘est mué en labyrinthe, cloisonnant les trois moments de l’exposition en autant de pièces séparées…

Il monte Bruno Peinado, sa cote ne fait que monter ! Entre deux expositions au Swiss Institute de New York («Why style» et «Space Boomerang»), l’artiste français pose ses valises à la Galerie Lœvenbruck, le temps d’une brillante halte plastique. A partir d’œuvres éparses — des pièces d’expositions antérieures et des inédits enfin présentés au public —, Lœvenbruck concocte un festin où l’œil fait bombance.
Depuis la fin janvier, «Me, Buy-Sellf and I», clin d’œil ironique au film de Miranda July, s’affiche rue de Seine. Pour ce faire, l’espace s‘est mué en labyrinthe, cloisonnant les trois moments de l’exposition en autant de pièces séparées. Suivez le guide !

Laqués, mats ou métallisés, les «Dreamcatchers» de Bruno Peinado paradent sur les murs du sous-sol. Des «attrapeurs de rêves» teintés d’Amérique, boucliers ethniques tout droit sortis d’un passé glorieux. Surmontés d’aigrettes insolites — des points d’interrogation à peine stylisés —, ces emblèmes étranges, entre le masque tribal et l’artifice militaire, captent les regards mais restent imperméables à la lumière qui caresse leur surface.

Les «Dreamcatchers» sont des pièges lumineux, clos à nos yeux inquisiteurs. Des éclats réfléchissants arrachés à l’ombre. Depuis The Big One World (2000) et Ride Like Lightning (2004), on connaît l’attrait de Peinado pour les surfaces brillantes, impénétrables, et la contestation politique.
L’homme est resté égal à lui-même. En plus subtil. En quelques œuvres, le plasticien raconte une certaine géographie du monde, «américanocentrée». Les «Dreamcatchers» se font planisphères, étalant le drapeau états-unien, ou jouent avec leurs vides en leur donnant les contours des USA. Face à ces bribes géopolitiques, trois chefs indiens, de profil, plumes au vent, se découpent dans une lumière asthmatique. Un halo nimbe les fines appliques avant de s’éteindre dans un long silence.

Changement de pièce, changement de tonalité ! On passe du noir au blanc maculé de dessins. Les petits formats (21 x 15 cm) égrènent les pages de ses carnets d’essais composés entre 1995 et 2005. Au cours de séances plus ou moins courtes, Bruno Peinado s’empare d’une idée, dessine à peine quelques traits, développe ou passe à autre chose.
Les motifs, les thèmes s’appellent, s’opposent et se complètent à quelques mètres de distance. Le kaléidoscope aquarellé étale les idées du plasticien le long d’un corridor, dépliant ainsi les méandres de son imaginaire. Les couleurs tranchent peu avec la blancheur du vélin, les figures semblant s’arracher au marasme de la page.

Chez Peinado, le blanc et le noir sont une matière, un chaos d’où le regard extirpe la peinture. Assis dans l’immensité blafarde, un Nègre colonial, coloré de bleu cobalt, hypnotise le vélin. Les nus féminins sont saisissants de sensualité : une femme sans tête dégrafant son corsage ou un corps se donnant entièrement au regard du visiteur (La Courbe d’incertitude).
Peinado décline les arabesques du beau sexe en une infinité de processus graphiques. L’encre et l’aquarelle se marient pour rendre le charnu des lèvres, la vapeur des cheveux. Ils se mêlent à l’ombre du menton, au modelé de l’épaule. Bruno Peinado séduit par sa sécheresse de moyens. Plus que le côté «laboratoire plastique», c’est l’épure de son talent qui ravit.

Une simplicité retrouvée jusque dans ses parallélépipèdes métalliques. La perfection technique se rétracte sous les crispations de la matière, des petits accidents froissent la tôle. Juste de quoi rappeler au visiteur que sous la froideur conceptuelle couve un noumène créatif.

Bruno Peinado
— Sans titre, Close Encounter, 2006. 13 caissons lumineux, pulsations lumineuses. Dimensions variables. Production Buy-Sellf.
— Sans titre, Vanityfamesmileysadley mercedesjunk jordanmagictree, 2006. Découpe jet d’eau haute pression sur aluminium, peinture epoxy cuite au four. 245 x 125 cm.
— Sans titre, ErRorschach ronaldsantiag dreamcatcher, 2006. Découpe jet d’eau haute pression sur aluminium, peinture epoxy cuite au four, 6 flèches en fibre de verre. 227 x 124 cm.
— Vanity Flightcase, 2005. Malle de voyage, crâne en miroirs.
— Untitled, Silence Is Sexy, 2004. Structure gonflable qui respire, 2 ventilateurs, tissus-miroir.

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