DANSE | SPECTACLE

Biennale de la Danse de Lyon | Eins Zwei Drei

28 Sep - 30 Sep 2018

Martin Zimmermann est un chorégraphe qui cultive autant la danse contemporaine, que le cirque actuel, l'installation et la scénographie. Pièce pour trois danseurs et un pianiste, Eins Zwei Drei transforme le spectateur de musée d'art contemporain, cette entité loufoque, en œuvre.

La Biennale de la Danse de Lyon 2018 est un moment de découvertes chorégraphiques, jusque dans les mélanges. Martin Zimmermann (Cie MZ Atelier) fait partie des chorégraphes pluridisciplinaires qui s’emparent du spectacle vivant pour en faire autre chose. Danse, art de rue, cirque, installation… Sa pièce Eins Zwei Drei (2018) [Un deux trois] cultive une approche à rebrousse-poil. Spectacle pour enfants ? Seulement à partir de douze ans. Spectacle pour grands enfants, Eins Zwei Drei décape le musée. Le prototype du musée européen d’art contemporain. Ce territoire aux murs blancs et neutres, ce white cube laissant toute latitude aux Å“uvres. Ainsi qu’aux rapports de force qui hantent le milieu de l’art. Ne pas s’y tromper : l’excentricité des acteurs culturels est codée et conventionnée. Ni plus ni moins que dans tous les secteurs où le costume-cravate et le tailleur-talons sont de rigueur. Des codes dont le chorégraphe suisse Martin Zimmermann interroge la pertinence.

Eins Zwei Drei de Martin Zimmermann : quand la danse dépoussière les musées

Sur scène, trois danseurs (Tarek Halaby, Dimitri Jourde et Romeu Runa) et un pianiste. Le compositeur Colin Vallon interprète ainsi, en live, sa propre musique. Notes piquées pour mouvements déliés. Venu du cirque, de la danse, et des arts plastiques, Martin Zimmermann maîtrise le vocabulaire des expressions corporelles. Ainsi que celui de la distribution des objets dans l’espace. Décor de musée aseptisé, avec poteaux de guidage usuels… Exposition ou vernissage : les mondes de l’art en prennent pour leur grade. Car il est bien question de grades : de la discipline hiérarchisée, il en faut pour perpétuer l’image d’un milieu turbulent. Par la danse et le clown, Martin Zimmermann s’empare des conventions qui hantent la fabrique de la culture. Au pas, presque militaire, Eins Zwei Drei propose une satire joyeusement chorégraphique de l’univers muséal.

Chorégraphie poétique et pointue autour du spectateur de musée, cet oiseau bigarré

Adoubées ou rejetées par les musées ou biennales : la fabrique de la valeur des Å“uvres est une mécanique complexe. Des Manières de faire des mondes (Nelson Goodman, 1978) aux Mondes de l’art (Howard Becker, 1982)… De La Distinction (Pierre Bourdieu, 1979) au Portrait de l’artiste en travailleur (Jean-Michel Menger, 2002)… Dans Eins Zwei Drei, c’est par l’humour et l’expression des corps que Martin Zimmermann désamorce le malaise qui fait parfois renoncer à visiter une exposition. Peur du jugement, du regard, de ne pas être à sa place… Comme dans l’église d’un autre culte que le sien. Plutôt que de regarder en coin la faune des musées, Eins Zwei Drei en présente un portrait déjanté et poétique. Du bizarre, de l’élégance, de l’inquiétant, de l’imprévu erratique… Peu de grotesque, mais beaucoup de curiosité pour ces visiteurs de musée transformés en Å“uvres d’art. À contempler sans modération.

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