ART | CRITIQUE

Lord of All Fevers And Plague

PMagali Lesauvage
@22 Mar 2007

Les vastes œuvres sur papier de Damien Deroubaix exploitent une esthétique trash en clair-obscur, où le dessin raffiné s’accommode de la violence des symboles.

L’intitulé de l’exposition de Damien Deroubaix chez Fabienne Leclerc provient d’un titre du groupe de trash metal Morbid Angel, et signifie approximativement «Seigneur des fièvres et du fléau». A cette surenchère musicale dans la violence langagière et sonore répond la peinture de l’artiste lillois, dont le titre de certaines œuvres (World Downfall, World Eater, Love Sucks, etc.) évoque cette même vision noire et chaotique.

Damien Deroubaix s’attaque, par la peinture et le collage, à la violence de la société et de ses signes, comme auparavant le fit John Heartfield, référence patente de l’artiste. Une figure féminine encagoulée, hérissée de pointes et «montée sur socle», des squelettes étiquetés «Money» et un mur barbelé, allusion aux camps de la mort, forment l’arrière-plan de World Downfall, où une vache renversée, la tête coupée et en décomposition avancée, fait le lien entre la vie et la mort, tandis qu’au-dessus d’elle une ampoule pendante, souvenir de Guernica (autre grande œuvre en noir et blanc sur le thème de la violence extrême), ne parvient pas même à illuminer la représentation.

Les souvenirs du nazisme, et les échos sataniques ou sadomasochistes qui en demeurent aujourd’hui, hantent les toiles de Deroubaix. De larges gueules de monstres dentus menacent des corps de femmes dominatrices et objectivées, des carcasses animées exhibent leurs entrailles et prononcent un «Yeah!» ironique, des croix gammées ponctuent avec provocation ces œuvres apocalyptiques.

Passée cette forme de provocation par les signes, inhérente au mouvement punk ou au grindcore (musique hardcore très brutale) dont se réclame l’artiste, le spectateur sera surpris par la délicatesse avec laquelle il traite l’aquarelle, la finesse de ses gravures et la qualité de son dessin. Les œuvres de Damien Deroubaix gagnent en force par leur qualité technique, indispensable à soutenir de tels propos.

Damien Deroubaix
— Love Sucks, 2007.
— World Eater, 2007.
— World Downfall, 2007.
— The Caco-Daemon, 2007.
— Join Us, 2007.
— Sans titre, 2007.
— Babylon, 2007.
— Neindorfer, 2007.
— Extreme Agression, 2007.

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