ART | EXPO

Loft

16 Oct - 18 Déc 2010
Vernissage le 16 Oct 2010

En collaboration étroite avec un architecte, Joana Vasconcelos a passé plusieurs mois à penser et à préparer un véritable «loft», qui doit opérer la transfiguration radicale de l’espace d’exposition en habitat complexe et mouvant s’offrant à la déambulation intriguée du spectateur.

Joana Vasconcelos
Loft

La Galerie Nathalie Obadia présente la deuxième exposition personnelle de Joana Vasconcelos dans sa galerie parisienne. Après les expositions organisées en 2008 (Où Le Noir et Couleur, Galerie Nathalie Obadia) et en 2009 (À la mode de chez nous au Centre culturel Calouste Gulbenkian) qui ont révélé au public des œuvres désormais emblématiques — Cœur Indépendant Rouge #2, www.Fatimashop, Contamination — cette nouvelle exposition est l’occasion de donner à voir des productions inédites de l’artiste portugaise, conçues spécialement pour la galerie.

Joana Vasconcelos, dont le jeu sur le statut de la femme s’est déjà manifesté à travers de multiples avatars plastiques (Madame du Barry, Marylin, le lustre en tampons A Noiva) réinvestit ici l’univers féminin sur le mode architectural du foyer, espace domestique par excellence.

En collaboration étroite avec un architecte et sur la base de plans et de dessins techniques, la plasticienne a passé plusieurs mois à penser et à préparer un véritable «loft», qui doit opérer la transfiguration radicale de l’espace d’exposition en habitat complexe et mouvant s’offrant à la déambulation intriguée du spectateur.

Salon, cuisine, wc pourront tour à tour être envisagés tandis que jailliront des murs des éléments tubulaires et protéiformes venant déconstruire les notions établies d’intérieur et d’extérieur.

S’engage alors une réflexion ironique sur notre société du spectacle qui, à travers le triomphe de la télé-réalité, consacre l’abolition de la frontière entre public et privé. A l’image de cet intime qui se donne à voir, les câbles électriques, plomberies et autres armatures sont ici exhibés et transformés comme par magie en éléments textiles ornés et colorés.

Aussi cette prolifération organique et joyeuse est-t-elle de nature à ré-enchanter un espace domestique parfois aliénant.

Loft est l’œuvre principale de l’exposition. Elle est constituée de huit parois couvertes de revêtements différents: marbre, granit, azulejo, acier inoxydable, lambris, staff, miroir et verre. L’espace subdivisé en plusieurs pièces est traversé de formes tubulaires étranges et colorées. «Je ne l’avouerais pas même aux murs», chantait Amália Rodrigues, grande voix du Fado portugais, reprenant une expression populaire que Joana Vasconcelos s’amuse ici à détourner. Les viscères de l’intime prennent la forme d’entrailles architecturales créant des liaisons entre les différents espaces. Ces corps abstraits en tissu issus de l’association de techniques artisanales traditionnelles — la couture et le crochet — et de matériaux industriels provoquent une étrange sensation de familiarité.

D’autres œuvres récentes de Joana Vasconcelos seront exposées.

Le chant des gargouilles: le «canto» portugais renvoie à la fois au chant et au «recoin». C’est cet espace intime et réservé qui se donne ici à voir à travers des parois recouvertes d’azulejos sur lesquelles se détachent des gargouilles issues de la prestigieuse manufacture Viúva Lamego, célèbre au Portugal pour ses collaborations avec les artistes. De la bouche de ces gargouilles, dont les figures repoussantes servent traditionnellement à éloigner le mal, s’échappent des serpents en tissu coloré qui transpercent les cloisons.

Deux boîtes, Fenêtre sur cour (marbre) et Fenêtre sur cour (granit), recouvertes de marbre vert et de granit, sont accrochées au mur à hauteur du regard, telles des fenêtres ou peintures, jadis considérées comme des fenêtres ouvertes sur le monde. De l’intérieur de ces boîtes, déchirant la surface rigide du marbre et du granit, jaillissent des volumes textiles abstraits et méconnaissables dont la texture nous semble cependant familière. Le titre des œuvres convoque le voyeurisme à l’œuvre dans le célèbre film d’Alfred Hitchcock (Rear Window, 1954).

Les œuvres Goutte et Psycho revisitent des éléments du mobilier de salle de bain. Tandis que Goutte procède à la réappropriation d’un petit lavabo, dont les conduits d’arrivée et d’évacuation d’eau sont investis par des corps textiles en crochet, Psycho exhibe deux pommeaux de douche accrochés au mur et desquels jaillit, non de l’eau mais un tube en textile baroque suspendu. L’intertexte hitchcockien est ici à nouveau convoqué rappelant à la mémoire du spectateur la scène culte du film de 1960 qui voit la protagoniste se faire poignarder dans sa douche.

Loft défie les structures sans vie de l’intimité de la maison. «Les murs ont des oreilles», mettait en garde un ancien proverbe persan. Ils s’expriment ici, révélant un profond et hédoniste désir de manifester la vie, au sein de laquelle l’absurde et le surréel le disputent à l’organique et au biologique.

Fidèle au processus créatif de l’artiste, fondé sur l’appropriation, la décontextualisation et la subversion des objets du quotidien, Loft nous propose un discours attentif aux idiosyncrasies contemporaines. Les dichotomies artisanal/industriel, privé/public, tradition/modernité, culture populaire/érudition sont ici mises à mal tandis que s’y imposent des affinités de nature à réinventer les flux habituels de signification.

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Elisa Fedeli sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.

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