ART | EXPO

L’Œil du cyclope

09 Sep - 05 Nov 2011
Vernissage le 09 Sep 2011

L’ensemble ici rassemblé par l’historien de l’art Matthieu Poirier est constitué d’œuvres de 1959 à 1971 fondées sur la dématérialisation, le trouble perceptif, la réduction formelle, la lumière artificielle, les environnements, l’implication du spectateur ou encore l’exploration des seuils de la vision.

Julio Le Parc
L’Å’il du cyclope

Au cours des années 1960, notamment au sein du GRAV, Julio Le Parc a initié nombre de modalités esthétiques contemporaines. L’ensemble ici rassemblé par l’historien de l’art Matthieu Poirier est constitué d’œuvres de 1959 à 1971 fondées sur la dématérialisation, le trouble perceptif, la réduction formelle, la lumière artificielle, les environnements, l’implication du spectateur ou encore l’exploration des seuils de la vision — des préoccupations devenues par la suite capitales pour nombre d’artistes actuels, comme notamment James Turrell, Anthony McCall, Dan Graham, Carsten Höller, Ann Veronica Janssens, Olafur Eliasson, Anish Kapoor, Jeppe Hein ou encore Philippe Decrauzat, pour ne citer qu’eux.

D’autres travaux historiques de Le Parc, mis en avant récemment au MOCA à Los Angeles ou au Centre Pompidou-Metz, ont montré la spécificité d’un langage aussi minimaliste que labyrinthique, systématiquement à contrepied de la composition classique, fût-elle abstraite, et du spectacle total.

En 1972, alors que la résonance de ces œuvres est à son comble, Jacques Lassaigne, le directeur du musée d’Art moderne de la Ville de Paris, propose à Le Parc une importante rétrospective de ses œuvres depuis 1959. Mais l’ambiance est à la fronde anti-institutionnelle: après avoir pesé le pour et le contre d’un tel projet dans un long texte, Le Parc se déclare «incapable de prendre une décision» et fait jouer sa réponse à pile ou face. Côté face, il accepte l’invitation; côté pile, il la refuse. Ainsi, un samedi d’avril au musée, devant témoins, une pièce de monnaie est lancée en l’air par le tout jeune fils de l’artiste. Elle retombe côté pile: l’exposition n’aura pas lieu. Incidemment, les décennies qui suivent, Le Parc fait prendre une autre direction à ses travaux et il faudra attendre la fin des années 1990 pour que son œuvre connaisse, rétrospectivement, une nouvelle vie, intimement liée au revival de l’art optique et cinétique. Aujourd’hui, en 2011, quelques quarante années plus tard, sans présumer des intentions curatoriales de 1972, imaginons que la pièce soit tombée sur le côté face et que l’exposition annulée ait lieu à la Galerie Bugada & Cargnel.

Entre vertige et agressions conjointes contre la forme et la rétine, les œuvres de Le Parc ne cessent, alternativement, de s’imposer et d’échapper au regard. À l’ère du tout-image, ce battement incessant dans l’espace et le temps résiste tout particulièrement à l’enregistrement photographique et constitue une raison supplémentaire d’expérimenter ces œuvres historiques in vivo.

critique

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