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L’invention du curateur

Ces dernières années, le travail des curateurs est de plus en plus mis en avant. Jérôme Glicenstein propose de réfléchir à ce que l’essor des curateurs a pu changer aux fonctions et pratiques de l’ensemble des acteurs du monde de l’art. Il revient sur l’émergence de la figure du curateur et sur l’institutionnalisation progressive de l’activité curatoriale.

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Présentation
Jérôme Glicenstein
L’invention du curateur. Mutations dans l’art contemporain

Les mutations récentes de l’art contemporain conduisent à l’apparition d’un nouveau personnage sur la scène de l’art, le curateur, dont les champs d’intervention et modes d’action se distinguent sans cesse plus de ceux traditionnellement attribués aux commissaires d’exposition. En effet, le curateur ne se contente pas d’être au service des artistes ou des institutions culturelles: il entend participer à la création et à l’extension de celle-ci au-delà des limites qui lui sont habituellement assignées.
Le curateur peut de ce fait occuper différents rôles, parfois simultanément: artiste, activiste, programmateur, critique, conservateur…

Il incarne ainsi un «travailleur culturel» d’un nouveau genre, qui n’est pas entièrement du côté de la création et pas non plus complétement du côté de la réception ou de la transmission de l’art. Dès lors qu’il s’intéresse davantage à des processus, dispositifs ou relations plutôt qu’à des objets autonomisés, sa responsabilité ne se limite plus au domaine de l’art et cherche à s’inscrire dans l’espace public.

«La responsabilité du curateur, cela a souvent été dit, est celle d’un intermédiaire: entre artistes et publics, entre œuvres et institutions, entre domaines public et privé, entre sphère intime et sphère publique. L’étymologie du mot curateur (“celui qui prend soin de quelque chose”), comme celle du commissaire (“celui qui est chargé d’une mission particulière”), le rappelle bien: il ne s’agit pas de faire un travail complétement autoréférentiel mais de suivre un ordre de mission. En cela, le curateur se distingue assez nettement de l’artiste et de toute idée d’une création autonome.

Il n’en demeure pas moins que les différentes formes de retrait du curateur — aussi démonstratives soient-elles — ne l’empêchent jamais complétement de faire entendre sa voix. A cela il y a différentes raisons: les curateurs n’exposent pas tous les artistes ni toutes leurs œuvres, ils travaillent avec différents interlocuteurs, avec des commanditaires, des institutions et des publics variés, auxquels ils s’adressent et avec qui ils dialoguent.

Enfin, bien qu’ils s’en défendent parfois, ils souhaitent exprimer leur point de vue sur ce qu’ils exposent, ce qu’ils font notamment en rédigeant des textes d’accompagnement. Et à l’inverse, même s’ils souhaitent exprimer subjectivement un point de vue — lorsqu’ils conçoivent leur responsabilité en référence à celle de l’artiste, en visant à “provoquer la pensée et parfois l’action, à éduquer, à surprendre et à faire plaisir” —, c’est en sachant qu’ils ont des comptes à rendre au public ou aux structures qui les emploient. En somme, quoi qu’ils fassent, ils ne peuvent ni complétement disparaître, ni être entièrement de leurs actions. (Jérôme Glicenstein)

Sommaire
— Introduction
Chapitre I: La figure du curateur
— Qu’est-ce que la «fonction curatoriale»?
— Une relation ambivalente entre artistes et curateurs
— Qu’est-ce qu’un curateur aujourd’hui?
Chapitre II: L’institution du curateur
— Académisation de la pratique curatoriale
— Les curateurs et l’histoire des expositions
— Qu’est-ce qu’une théorie curatoriale?
Chapitre III: Le curatorial
— Les artistes face aux pratiques curatoriales
— Le curateur comme acteur du débat public
— Conclusion