ART | EXPO

Le Millième moustique

04 Déc - 20 Jan 2010
Vernissage le 03 Déc 2009

Les oeuvres de Virginie Yassef semblent animées par une logique qui nous est à la fois familière et déroutante. Son projet s'appuie sur le désir d’articuler ou de communiquer quelque chose qui se rapprocherait de l’effroi, celui qui nous saisit face à l’inconnu.

Virginie Yassef
Le Millième moustique

Un homme se déplace le long d’un mur, tandis qu’un autre le suit au sol, mais en marchant à l’envers. Un autre homme, dans un autre endroit, gesticule tout seul sur un terrain vague. Il fait nuit. L’homme semble s’adresser à une audience absente ou hors-champ, d’un discours qu’il ponctue par des examens à la lampe de poche du foisonnement compact de traces et d’empreintes qui l’entoure, comme s’il les lisait ou les traduisait à voix haute pour ses auditeurs invisibles.

Les boursouflures du sol, ainsi que son aspect moite et lisse, rappellent la peau de ce crapaud que suit le faisceau lumineux d’une autre lampe de poche dans une autre séquence de la même vidéo, intitulée Hit the ground running (2009). Ces séquences forment un tout irrésolu. Ces séquences parlent, mais à la manière d’une phrase interrompue, suspendue, une phrase dont il revient au spectateur de trouver le dénouement, ou d’en déchiffrer l’interruption.

Cette vidéo, construite à partir de séquences saisies dans différents pays (Japon, Chine, États-Unis, France…), forme en quelque sorte le noyau de la prochaine exposition de Virginie Yassef à la Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois. Non pas qu’elle en soit l’élément le plus important, mais plutôt que sa dynamique (de lecture, de facture, mais aussi de «capture» du spectateur) se reflète dans les autres pièces de l’exposition.

Un des points de départ de son projet fut le désir d’articuler ou de communiquer quelque chose qui se rapprocherait de l’effroi, mais d’un effroi sans frayeur ni terreur (ni même horreur), l’effroi qui nous saisit face à un inconnu, ou à l’inconnu, voire même à l’inconnaissable, au non-savoir, dont Bataille disait qu’il le faisait toujours rire aux larmes.

Une série de dessins d’une mygale, «commandités» par l’artiste à sa mère, témoignent du mélange d’effroi et de fascination que celle-ci avait pour l’insecte en question. Une cartographie de toiles d’araignées, ornée d’une signalétique multicolore, est inscrite sur un mur magnétisé. On y voit comme le reflet du parcours à la fois déréglé et circonscrit du spectateur face à ces oeuvres, avec l’indication de ses points d’arrêt, ses moments d’attente, ses entrées et ses sorties.

Comme les autres oeuvres de Yassef, les oeuvres de cette exposition semblent animées par une logique qui nous est à la fois familière et déroutante, la logique d’un proche qui nous serait revenu «de loin», dont les gestes les plus habituels seraient teintés de réminiscences d’autres gestes et d’autres manières de faire non pas exotiques mais inimaginablement autres. Walter Benjamin disait des fables animalières de Kafka que l’on pouvait les lire un long moment avant de se rendre compte qu’elles ne parlaient pas des êtres humains.

De la même manière nous pouvons regarder longuement les oeuvres de Yassef, oeuvres composées à partir d’éléments trouvés, détournés, avant de se rendre compte qu’elles ont la tête ailleurs, dans un ailleurs qui serait comme le revers et le possible du monde contemporain, monde dont elle capte et préserve soigneusement les brèves étincelles de magie qui s’en dégagent.

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Agathe Cancellieri sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.

critique

Le Millième moustique

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