ART | CRITIQUE

Le Millième moustique

PAgathe Cancellieri
@16 Jan 2010

Entre dessin et vidéo, araignées et humains, effroi et fascination, fiction et réalité, Virginie Yassef tisse lentement sa toile pour faire du spectateur sa proie.

L’exposition «Le Millième moustique» de Virginie Yassef est entièrement consacrée à cet animal effrayant et fascinant qu’est… l’araignée, et non pas le moustique comme pourrait le faire penser le titre.

Virginie Yassef traite d’abord l’araignée sur le mode scientifique au travers d’une série de dessins de mygales. Dotés d’une grande précision de détails les dessins sont tracés sur du papier à dessin, du papier calque et du papier millimétré. Une liste des noms de mygales est juxtaposée aux dessins comme pour familiariser le spectateur avec l’animal.

Face à ces dessins, sur un mur magnétisé, Virginie Yassef a tracé une dizaine de toiles d’araignées au crayon, sur lesquelles elle a placé des aimants colorés de forme circulaire. L’installation rappelle les dream-catchers, les attrape-cauchemars de la tradition indienne des États-Unis. La toile d’araignée est une sorte de nid à cauchemars qui se referme petit à petit sur le spectateur.

Plus loin, une vidéo intitulée Hit The Ground Running plonge le spectateur dans un monde déroutant, entre fantastique et horreur.
Un homme se déplace la nuit le long d’un mur comme le ferait une araignée. Un autre le suit en rampant sur le sol à reculons. Ailleurs, un troisième homme examine à la lampe de poche des traces et des empreintes, et s’interrompt régulièrement pour expliquer ses recherches à un auditoire absent.
Cette vidéo où les personnages sont mi-hommes, mi-araignées, ou mi-fous, étend l’inquiétude du monde des bêtes à celui des humains.

Enfin, la vidéo se termine par une longue séquence sur la peau boursoufflée d’un crapaud vue en gros plan et sous un éclairage violent. Ce qui crée des sensations de dégoût, d’effroi et de fascination comparables à celle que l’on a pu éprouver devant les dessins des mygales.

Puis Virginie Yassef fait basculer l’exposition dans la farce en accrochant au mur à proximité de la vidéo une énorme araignée dont les yeux en forme de spirale tournent sans arrêt, comme pour hypnotiser le spectateur. Mais celui-ci est en fait aussi effrayé par cette araignée de fiction et gaguesque que par les dessins réalistes.

Ce n’est finalement pas tant la figure de l’araignée qui est au centre de l’exposition que celle de l’artiste. Virginie Yassef-araignée tisse sa toile pour dérouter le spectateur, le perdre entre réalité et fiction, et le capturer entre les fils de son Å“uvre.

Liste des Å“uvres
Virginie Yassef

— Virginie Yassef, The eye sees for us, but do we see what it sees?. Dessin recherche. 21 x 29,7cm (chaque)
— Virginie Yassef, The eye sees for us, but do we see what it sees?, 2009. Technique mixte, moteur. Pièce unique. 117 x 20 x 68 cm
— Virginie Yassef, Le Millième Moustique (détail), 2009. Graphite, peinture magnétique, aimants. Dimensions variables.
— Virginie Yassef, Hit the ground runing, 2009. Vidéo, couleur, blanc, son, 20’

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