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La Villa Savoye, Les heures claires

PPhilippe Coubetergues
@12 Jan 2008

Treize artistes contemporains (vidéo, peinture, photographie, installation, sculpture, performance, son, etc.) habitent par leurs œuvres la Villa Savoye de Poissy construite en 1931 par Le Corbusier. Une intégration juste dans un lieu ouvert de façon éphémère à l’art. Un dialogue réussi.

La Villa Savoye de Poissy accueille sur une proposition de Frank Lamy (commissaire de l’exposition), les œuvres de treize artistes contemporains. Cette sélection d’œuvres, dans son mode d’inscription, vient renforcer, avec pertinence, la sensation d’un lieu «habité».
Cette résidence qui appartient maintenant aux Monuments historiques a été parfaitement conservée dans son état et sa fonction d’origine. C’est donc un espace domestique que ces artistes sont venus investir ; leurs œuvres y ont été placées quelques temps en «résidence».

Construite en 1931 par Le Corbusier et Pierre Jeanneret pour Eugénie et Pierre Savoye, cette villa conçue comme une maison de week-end et de détente, si elle ne fut occupée que quelques années seulement, s’impose aujourd’hui comme un véritable manifeste architectural.
Par bien des aspects, les conventions architecturales classiques s’y trouvent abolies. C’est une maison sans façade, une boîte perchée sur pilotis au milieu de la prairie. C’est une boîte ouverte de tous côtés, tant sur l’extérieur que sur l’intérieur. C’est un vaste promenoir à habiter fait de perspectives multiples. C’est un programme architectural complexe où Le Corbusier s’est attaché à défendre avec une ingéniosité fascinante chacun de ses principes qu’ils concernent la lumière, le mobilier, le cloisonnement, la circulation, etc.
En d’autres termes, visiter cette villa revient aussi à rendre visite à son concepteur.

Aussi, l’utilisation de cet espace à des fins d’exposition (espace que Frank Lamy perçut avec justesse comme un espace qui s’expose lui-même au point de se donner en spectacle), relevait d’une périlleuse entreprise. Pourtant, sans qu’aucune œuvre ne s’impose trop ostensiblement, ne se réduise à un quelconque hommage appuyé envers le maître des lieux, ni ne s’efface de façon trop révérencieuse, cette exposition accède à l’ambitieux projet d’un dialogue réussi. Elle place le spectateur face à des perspectives multiples, spatiales et temporelles, sonores, visuelles et tactiles, qui donnent à la découverte de cette villa provisoirement habitée de ces œuvres, une puissance d’évocation à laquelle il serait difficile de rester insensible.

En effet, les œuvres ont ceci de commun qu’elles évoquent (chacune à leur manière) de la présence dans les murs. Ce peut être par la voix ou le son (Olivier Dollinger, Jiro Nakayama, Dominique Petitgand), associés ou non à l’image ou l’action (Alain Bernardini, Chantal Michel) ou encore par le réaménagement localisé de l’espace comme le font ceux qui s’installent quelques temps quelque part (Jean-Luc Bichaud, Delphine Coindet, Philippe Decrauzat, Véronique Joumard, Philippe Mayaux, Fançois Paire, Veit Stratmann, Emmanuelle Villard). Il serait inutile dans ses lignes, d’entreprendre une approche exhaustive et distincte de chaque œuvre tant leur qualité expressive se trouve intrinsèquement liée à leur juste intégration au lieu.

Cette exposition fait la démonstration, entre autres, de l’intérêt qu’il y a d’ouvrir des espaces d’exposition dans des sites chargés d’histoire n’ayant initialement pas cette fonction, ceci à la condition exclusive que soit confiés de tels projets seulement à ceux capables de garantir une telle intelligence de mise en rapport des œuvres avec le lieu.

Ainsi le visiteur déambulant librement dans le jardin, sur les terrasses, passant d’une pièce à l’autre, glissant le long des rampes, ou dévalant l’escalier à vis, explorera un espace chargé de cohabitations singulières, animé des fictions les plus insolites. Il lui en restera l’image d’un lieu de vie, d’un lieu investi d’idée, d’un cadre, où plus les heures s’égrainent plus la pensée s’éclaire.

Å’uvres
— Alain Bernardini,  17 minutes toutes les 4 heures, 2002. Sièges, texte.
— Alain Bernardini,  Laisser, 2002. Casque anti-bruit, lunette de sécurité, gants de protection.
— Jean-Luc Bichaud, Nuage d’intérieur, 2002. Plastique, bois peint, eau et pompe.
— Delphine Coindet, Sans titre, 2002. Plâtre peint.
— Philipe Decrauzat, Meanwhile in The Real World, 2002. Coton synthétique, highline 1100 avec bordure.
— Olivier Dollinger, Space Off, 2002. Installation sonore
— Véronique Joumard, Reverse Sun Tan, 2002. Table, bois, peinture thermosensible.
— Véronique Joumard, Sans titre, 2002. Table, bois, peinture thermosensible.
— Chantal Michel, Le rêve de Sophie, 2002. 28 éléments photo-plastique.
— François Paire, Sticky label, 2002. Sublimation sur flagnit.
— Veit Stratmann, Les Petits Chariots,1997-2002. Tubes d’acier, roulettes.
— Emmanuelle Villard, Sans titre, 2002. Acrylique, toile.


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