ART | EXPO

Jagna Ciuchta

15 Mai - 30 Juin 2007

Peinture, sculpture, vidéo, installation, performance... L’artiste polonaise Jagna Ciutcha conçoit des œuvres qui questionnent les fondements de notre jugement et de notre perception.

Communiqué de presse
Jagna Ciuchta
Jagna Ciuchta

Jagna Ciuchta, artiste multidisciplinaire, est totalement libre dans le choix des médiums qu’elle utilise (peinture, sculpture, vidéo, installation, performance). Polysémiques et protéiformes les oeuvres de Jagna Ciuchta posent des questions sur ce qui fonde notre jugement et notre perception. Son travail initie à un nombre infini d’approches et visite une variété de champs : politique, sociologique, philosophique, scientifique… tentant d’éclairer la nature humaine sous différents angles.

Pour semer le trouble sur la réalité, elle déconstruit, déjoue les mécanismes physiques ou psychologiques qui fabriquent notre perception du monde. Ses oeuvres sont autant de pièges pour le regard : aux illusions d’optiques se mêlent habilement les illusions et désillusions fabriquées par notre société. Elle tourne en dérision les instincts humains : la quête du pouvoir au travers d’une meute de loups et d’un cerf affublés de nez de clown «Mort de rire », ou encore la vaine recherche de la jouissance symbolisée par la trace consumée du circuit de la sérotonine (molécule du bien-être) dans le cerveau.

Qu’il s‘agisse d’une galerie, d’un musée, d‘une école, d‘un château, d’une ruine ou d’un white cube, le lieu d’accueil fait partie intégrante de l’œuvre qui est le plus souvent réalisée in situ: le travail de l’artiste s’appuie sur les qualités architecturales mais aussi contextuelles des édifices élus qui sont alors redéfinis selon sa vision originale.
La dimension phénoménologique de l’espace est prépondérante ; le lieu d’exposition devient littéralement objet et matériau constitutif de l’oeuvre. Le travail de Jagna Ciuchta est en déplacement constant, en mobilité physique grâce au cheminement construit par l’espace de l’œuvre, en déambulation dans l’espace malléable de notre pensée. Un effet miroir se produit entre deux variables qui s‘entrecroisent: l’angle de vue (anamorphose, illusion d‘optique) et le point de vue culturel voire idéologique. Oscillant entre le réel et sa représentation mentale, les œuvres provoquent des allées et venues entre différents états de conscience, différents niveaux de compréhension qui témoignent de l’aspect incertain de notre jugement. Ces jeux de stratifications sémantiques sont mis en évidence dans le diptyque «la peur a de grands yeux» : la photographie de ce carré blanc plissé, maculé d’une tache noire, et son jumeau en négatif, nous renvoient à la fois au Saint Suaire, au groupe support/surface ou encore à un test de Rorschach, bien qu’il s’agisse d’un simple kleenex oublié au fond d’un sac, et souillé par l’encre d’un stylo mal bouchonné.

En utilisant notamment la forme du test de Rorschach, Jagna Ciuchta pose un parallèle entre état des choses et état d’esprit, et va au delà de la simple métaphore. Elle crée des liens forts entre le monde matériel et les univers abstraits de la pensée et de l’espace, qui apparaissent dans son oeuvre comme un flux presque visible. Le regard du spectateur participe à l’œuvre. On le sait convié par l’artiste à apposer sa propre subjectivité. Jagna Ciuchta construit une série d’expériences dans lesquelles le spectateur est aussi un cobaye : comme pour Rorschach, le test est projectif, et fonctionne comme la question posée «que voyez-vous dans cette image»? Lorsque l’image esquissée présente une mappemonde accolée à son double symétrique, l’artiste semble poser littéralement la question abyssale: «qu’est ce que le monde représente pour vous ?». Le spectateur est aussi invité à se positionner face à un certain contexte géopolitique mondial. Le titre de l’exposition «We are not evil» fait ouvertement référence au président Bush et à son «axe du mal». L’artiste aborde également avec ironie la question de l’identité, de l‘élaboration de sa singularité et de sa place face au groupe: «We are not evil» interroge sur la signification de ce «we», à quel groupe appartenons-nous ? Celui du cercle de l‘art contemporain, de notre pays, d’un groupe religieux, ou plus largement à l’espèce humaine ?

Aphorismes, oxymores, antinomies : la mise en tension, tant visuelle que sémantique, est une donnée récurrente qui accentue le caractère incisif d’une œuvre qui se veut également critique de l’instinct de conservation. Cette bipolarité génère une sorte de clignotement répétitif à effet quasi hypnotique, imitant les techniques de lavage de cerveau des mass media. Tout en dénonçant un monde désenchanté et illusoire, Jagna Ciuchta réussit le paradoxe de nous entraîner dans un univers empreint d’humour et d’onirisme. Elle met le doigt sur l’arbitraire de notre perception et fait apparaître l’incertitude simultanément comme source d’inquiétude et échappée poétique face à notre condition.

Emilie Combes

L’Artiste
Jagna Ciutcha
Née le 3 février 1977, à Nowy Dwor Mazowiecki, Pologne.

Article sur l’exposition dans paris-art.com
Pour lire l’article rédigé par Magali Lesauvage, cliquez sur le lien ci-dessous.

critique

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