DANSE | FESTIVAL

Hors Saison Arcadi

18 Fév - 19 Fév 2012

Le temps d’un week-end, le programme Hors Saison d’Arcadi investie la Ferme du Buisson pour une série de sept pièces chorégraphiques récentes. L’occasion de revoir ou de découvrir le travail de différents chorégraphes explorant plus particulièrement, dans chacune des œuvres présentées, la dimension sonore.

Antonio Pedro Lopes, Jesus Sevari, Marianne Baillot, Olivia Grandville, Maud Le Pladec, Marlene Monteiro Freitas, Mauro Paccagnella, Gaël Sesboüé
Hors Saison Arcadi

Antonio Pedro Lopes, Marianne Baillot
Measure it in inches
Duo / 2011 / 45minutes à une heure
Un discours de remerciements. Colossal, cyclopéen, cosmique, démesuré, épais, éléphantesque, énorme, extensif, fantastique, formidable, grand, gargantuesque, géant, gigantesque, immense, incalculable, imposant, hirsute, luxuriant, mastoc, maousse, massif, monstrueux, monumental, montagneux magnifique, puissant, planétaire, prodigieux, incroyable, fantastique, luxuriant, superbe, titanique, qui crie, qui hurle un grand merci!
Nous recyclons le sentiment d’être reconnaissant. Nous mesurons ce sentiment en pieds, en centimètres, en degrés Fahrenheit, nous le dansons, nous le secouons, nous le jouons, nous en faisons des boucles, des numéros de ventriloques. La gratitude est ritualisée et tournée en un mode de communication et d’échange permanent, suspendu à une réalité merveilleuse sur un terrain de jeu appelé «plus grand que la vie».
Nous entendons le bruit étrange de la compétition derrière les discours et nous y voyons aussi cet extatique sentiment d’appartenance et la nécessité de redonner une énergie amplement éprouvée en retour. Et si nous placions un zoom géant qui amplifierait encore et encore ces moments éphémères de fin de spectacles quand les acteurs reviennent sur scène pour recevoir un chaleureux applaudissement?
Qui, quoi et comment remercier? Andy Warhol a dit: «Ne prêtez pas attention à ce qu’ils écrivent sur vous, simplement mesurez-le en centimètres.»
Marianne Baillot

Olivia Grandville
Cinq Ryoanji
Pièce pour 5 danseurs et 6 musiciens/ 2012 /1 h 15
En 1983 et 1984, John Cage composa cinq pièces portant le titre identique de Ryoanji, du nom d’un temple bouddhiste zen de Kyoto, célèbre pour son jardin de pierres à la composition énigmatique.
Les motifs écrits jouent de la discontinuité, s’accrochant dans les interstices de la trame percussive ; tandis que le paysage dessiné par le corps des danseurs s’inscrit dans une durée sans commencement ni fin, où seules se donnent à voir les subtiles métamorphoses qui habitent la lenteur comme l’immobilité. À l’instar des musiciens, les danseurs choisissent leur échelle de temps. Les deux partitions, chorégraphique et musicale, doivent pouvoir jouer ensemble, glisser l’une sur l’autre, à l’image de ces feuilles de papier transparent que Cage utilise et superpose parfois comme processus de composition. Les cinq partitions qui constituent le Ryoanji y seront jouées alternativement.
Les corps des danseurs joueront sur l’alternance de l’immobilité et du mouvement, et dessineront un paysage en perpétuelle transformation, comme un «écho visuel». Chacun des interprètes est associé à l’un des instruments et apporte sa singularité, sa couleur à une même partition : cette succession de quatorze postures rigoureusement distribuées dans l’espace, selon le schéma du jardin. Suivant le principe de tuilage des partitions musicales, les partitions chorégraphiques se succèdent dans le temps. C’est dans ce travail complexe d’organisation du temps dans l’espace que réside tout l’intérêt du projet.

Maud Le Pladec
Poetry
Pièce chorégraphique pour 2 danseurs et 1 musicien/ 2011 / 50minutes
Avec Poetry, Maud Le Pladec souhaite approfondir une réflexion sur le rapport musique/ danse, initiée avec sa première création Professor (2009-2010). Dans Professor, cette recherche s’exprimait à partir d’une contrainte formelle et immuable: «traduire physiquement absolument tout de l’œuvre Professor Bad Trip du compositeur Fausto Romitelli». Cette question de la traduction de la musique par le geste sera également présente dans Poetry mais sera abordée d’une autre manière.
Poetry sera centrée spécifiquement autour du «rythme»: «rythme» en musique, en danse et dans la relation qu’entretiennent ces deux médiums. Mais aussi la notion de rythme comme effet que produit la répétition d’un même phénomène ou d’une même structure sur la perception et l’entendement; à savoir l’idée de mouvement qui s’en dégage.

Tout comme dans Professor, la musique, interprétée en live, jouera un rôle central dans la construction de la pièce. Pour ce projet, Maud Le Pladec a choisi d’inviter Tom Pauwels, déjà guitariste dans Professor, à interpréter sur scène le solo Trash TV Trance de Fausto Romitelli puis à proposer par la suite une extension possible de cette pièce, faisant passer l’œuvre de référence de douze à soixante minutes.
Cette nouvelle collaboration procède d’une envie d’approfondir la recherche autour du compositeur italien Fausto Romitelli, avec qui Tom Pauwels a travaillé en collaboration au sein de l’ensemble Ictus. Poetry pouvant s’envisager comme le deuxième volet d’un diptyque dont Professor serait le premier.

Marlene Monteiro Freitas
Guintche
Solo / 2011 / 50minutes
«Cette pièce provient d’une figure que j’ai dessinée à partir de la mémoire d’un concert. Je l’ai appelée Guintche et entre-temps elle a grandi, gagné de la vie, de l’autonomie, s’est rebellée. Le dessin crée des personnages dont le destin est de s’émanciper. Guintche n’est plus la prothèse d’une pensée pour devenir une danse.
Le mouvement répétitif et circulaire de la musique fait tournoyer Guintche progressivement hors de soi : sur le visage on voit apparaître le laid et le monstrueux, des mains apparaissent des masques, les mains sont successivement mâchées, mangées et vomies. Dans cet étourdissement, le corps se rétrécit, s’élargit, se transforme, se défigure. Le rythme initial tournoie, il se dilate jusqu’au point d’englober tout de la pièce (c’est bien le cas!), impose son hétérogénéité, ses différences, apporte l’inégale, détermine les changements successifs de direction. La ligne qui se dessine entre un corps et l’autre est discontinue, c’est la voie de l’intensité».
Marlene Monteiro Freitas

Mauro Paccagnella
Ziggy, the Dragon, the Bold Nurse & the Swan Song.

Pièce pour 3 interprètes et 1 musicien / 2011 / 1 h 10
Après Siegfried Forever, ode de l’Homme sans peur, Bayreuth FM, hymne à l’Amour Éternel et The Golden
Gala, psaume crépusculaire, nos héros se retrouvent pour le dernier rendez-vous de la saga The Siegfried’s
Swan Song : Ziggy, the Dragon, the Bold Nurse & the Swan Song.
Librement inspiré de l’œuvre de Richard Wagner, Mauro Paccagnella invite cette fois ses amis mélomanes, fidèles et dévoués, à se rassembler à Nijhold, en Norvège, dans les entrailles de la caverne du Dragon Fafner.
C’est sur la terre humide et brumeuse de ce fjord scandinave de mémoire wagnérienne que les trois protagonistes, survivants d’une catastrophe planétaire, sont convoqués à la réécriture de l’Anneau des Nibelungs et à la construction d’un ordre social enfin pur, prospère et vertueux.
Le héros Siegfried, son père adoptif le nain Mime et sa femme promise la Walkyrie Brünhilde, ont pour mission de donner vie à un véritable Eden où proliférerait une nouvelle génération d’hommes et de femmes. Mais peut-on compter sur ces trois héros déchus pour garantir une végétation florissante et une lignée prospère? Brünhilde va-t-elle pouvoir canaliser les ardeurs et les pulsions d’un héros pas très malin et d’un nain abruti? Sous l’œil du dragon Fafner, cela ressemble à un ménage à trois insolite!

Gaël Sesboüé
Relatives T
Quatuor / 2011 / 50minutes
Relatives T est une pièce abstraite à la limite de la non-danse.
Les interprètes prennent tout d’abord appui sur une construction cartographique de l’espace en inscrivant des parcours répétés en boucle. Tels des rouages, ils façonnent dans ce mouvement répétitif une architecture rigoureuse de l’espace, architecture qui sera peu à peu enrichie d’objets renvoyant à La sphère du privé et venant comme reliefs de cet espace cartographique. Les interprètes assimileront alors ces incidences du terrain à leurs parcours, puis s’en saisiront comme instruments à l’œuvre au quotidien.

Jesus Sevari
Childe
Essai chorégraphique sur une symphonie de Berlioz
Solo / 2010 / 43minutes
Jesus Sevari cherche une porte pour entrer en communication avec des temps anciens, à la racine de nos identités. Archéologue du sensible, elle fouille avec ses os, ses muscles, sa posture au fil de la symphonie Harold en Italie : cette musique qui a «quelque chose de primitif sinon d’antédiluvien» selon Heine, porte ici dans sa quête initiatique un corps en constante métamorphose qui déforme l’espace autour de lui comme une matière élastique. Pour la composer, Berlioz s’est inspiré des pérégrinations du héros romantique Childe Harold de Lord Byron. «Childe», c’est-à-dire «destiné à être chevalier».
Question d’identité
Une identité. Identité multiple, identité fragmentée.
Des identités, indienne, espagnole, française d’adoption.
Artiste.
L’identité. Quelle est-elle? Comment se construit-elle?
Que devient-elle?
De Santiago du Chili à Paris, que fait-elle? Où est-elle?
L’identité est une quête, un éternel chemin, qui se construit, se déconstruit, se reconstruit. Toujours en mouvement, elle se transforme. Au fil des rencontres, au fil des tensions, des évolutions. Des couches successives, des strates se forment. Ça demande de laisser mourir des choses en soi pour laisser la place à d’autres. De perdre pour gagner. Mourir un peu pour renaître. La métamorphose.
Dans cette pièce j’évoque les strates successives de l’identité. Ce sont comme les sédiments que les archéologues examinent pour remonter le temps.
Expériences qui s’amoncellent, êtres et objets qu’on doit abandonner, pour en apprivoiser d’autres. Un corps en mouvement parmi des sédiments. Un tableau de corps.

critique

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