ART | EXPO

Gravity moves me

04 Fév - 17 Avr 2011
Vernissage le 03 Fév 2011

Tom Burr revisite le vocabulaire formel des avant-gardes et des néo-avant-gardes artistiques, mêle références littéraires, cinématographiques et musicales, iconographie pop, culture homosexuelle, esthétiques underground, architecture, design et mode.

Tom Burr
Gravity moves me

« Gravity Moves Me », première exposition institutionnelle de Tom Burr en France, réunit un ensemble d’oeuvres inédites spécialement conçues par l’artiste américain pour les espaces du Frac Champagne-Ardenne.

Tom Burr est un artiste dont l’oeuvre (sculptures, photographies, dessins, collages, installations) revisite le vocabulaire formel des avant-gardes et néo-avant-gardes artistiques, et mêle références littéraires, cinématographiques et musicales, iconographie pop, culture homosexuelle, esthétiques underground, architecture, design et mode.

L’investigation conceptuelle qu’il mène questionne de quelle manière l’identité, en particulier l’identité sexuelle, se construit ou est au contraire contrainte par la société et ses espaces physiques.

L’artiste reprend le mode d’appropriation de l’art des années 1980 comme une stratégie permettant de revisiter des oeuvres du passé et d’en révéler des significations différentes. Ainsi, il reconfigure une histoire non plus figée dans le temps et l’espace, mais au contraire parfaitement ouverte et permettant d’éclairer et de transformer le présent.

Si les oeuvres présentées dans l’exposition « Gravity Moves Me » sont intrinsèquement liées les unes aux autres, elles sont aussi directement connectées à Deep Purple, une sculpture monumentale réalisée en 2000 par Tom Burr et installée dans la cour du Frac Champagne-Ardenne depuis 2008.

Car c’est sous l’angle de «l’effet» produit par le passage du temps, sur les corps comme sur les objets qui les entourent, que l’artiste envisage en effet la notion de «gravité». Ce mot décrit aussi bien les actions de la pesanteur sur un corps donné, mais il peut également être entendu comme un état cérébral décrivant des pensées sérieuses, sombres, parfois même morbides qui, paradoxalement, sont celles qui font naître l’humour véritable, celui qui émerge d’une prise de conscience du déclin, du délabrement et de la disparition inéluctable.

Deep Purple
est une réplique en bois et au deux tiers de sa taille initiale de la célèbre sculpture Tilted Arc (1981) de Richard Serra qui aurait été «accessoirisée» afin de devenir modulable, adaptable et déplaçable. C’est bien la notion d’in situ, et à travers elle toute l’histoire de la sculpture contemporaine, qui est ici convoquée afin d’en repousser les limites tant formelles que conceptuelles.

De par la trajectoire exceptionnelle de l’oeuvre de Serra et le procès surmédiatisé qu’elle généra, cette oeuvre articule également des problématiques liées à l’architecture et à l’espace public avec des questions de politique, de sociologie, de psychologie, etc. Son titre fait notamment référence au célèbre groupe de rock britannique éponyme, à une couleur prisée par la communauté homosexuelle ou à celle du deuil, ou encore aux rideaux pourprés de certaines nouvelles d’Edgar Allan Poe.

Les références récurrentes à de grandes figures de l’histoire de la culture, au sens large, répondent au désir de l’artiste de se situer en tant que tel et de situer ses gestes à l’intérieur du champ du modernisme, tout en générant de multiples lectures possibles.

Le titre de l’exposition de Tom Burr, « Gravity Moves Me », rend hommage à Carl Andre, autre grande figure du Minimalisme avec Richard Serra. Avec ses oeuvres composées de plaques en acier alignées directement sur le sol, Carl Andre a durablement conditionné la relation du spectateur à l’oeuvre en mettant à bas plusieurs des caractéristiques principales de la sculpture, dont la verticalité, le geste, la technique et l’autonomie de l’oeuvre, et en avançant l’idée que la sculpture est le lieu de l’oeuvre.

Le projet que Tom Burr développe au Frac Champagne-Ardenne entreprend de questionner et tester ces notions. La longue rampe qui s’étend au rez-de-chaussée du Frac apparaît parallèlement comme une référence directe à Seedbed, la performance légendaire que Vito Acconci réalise en 1972 à la galerie Sonnabend de New York où, allongé sous une rampe pendant trois semaines, il se masturbe huit heures par jour tout en murmurant les fantasmes que lui inspirent les visiteurs, et qui sont simultanément retransmis sur des hautparleurs.  L’artiste est alors tout à la fois producteur et récepteur du plaisir de l’oeuvre.

La rampe en bois brut de Tom Burr devient le support d’une narration fracturée. Elle représente également, tout comme la série de murs qui habitent et habillent littéralement l’exposition, une forme hybride entre différents corpus d’oeuvres créées précédemment: les plateformes, les pièces murales intitulées «Bulletin Boards» et les cloisons.
Si elle partage encore quelques similitudes formelles avec les plateformes, la rampe constitue aussi une surface picturale que l’on imagine plus volontiers accrochée à un mur. Ces déplacements sont opérés de manière récurrente au sein de l’exposition.

Les murs sont ici couverts, enveloppés, protégés, vêtus de lourdes étoffes, et semblent véritablement danser dans les espaces d’exposition. Ils font écho à une série de «jupes» qui révèlent une nudité de ces espaces et qui, sans elles, nous aurait autrement échappée.

Enfin, une série de collages prend pour mesure un carreau standard de linoléum tel qu’il est le plus souvent utilisé dans les cuisines ou les salles de bain. Dans cette version domestiquée et comme miniaturisée de l’oeuvre de Carl Andre, les éléments rejetés parce que jugés impurs par les tenants du Minimalisme –le décoratif et le narratif– peuvent enfin s’épanouir.

A l’image de l’ensemble des éléments qui composent cette exposition, ces collages constituent des fragments dont les relations ne peuvent apparaitre dans leur totalité. Ils nécessitent d’opérer des déplacements, de prendre de la distance ou au contraire de les examiner au plus près.

Différentes choses sont en effet révélées en fonction de son positionnement sans qu’il n’y ait jamais de point de vue unique ou idéal.

Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Aurélien Pelletier sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.

critique

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