ART | CRITIQUE

Gourmandise

PSarah Ihler-Meyer
@03 Fév 2011

Feindre l'ingénuité pour mettre à nu ses prédécesseurs, tel pourrait être la stratégie des différents artistes de «Gourmandise». Une collection de farceurs moins sots qu’il n’y paraît.

Sous leur air candide, Jacques Halbert, Dominique Forest et Daniel Nadaud chauffent à blanc leurs prédécesseurs avec une impertinente efficacité.

Avec ses cerises inlassablement peintes sur des toiles monochromes — en l’occurrence grises —, Jacques Halbert pourrait passer pour un simple amateur de térébenthine ignorant les dispositifs sériels propres à l’art contemporain. Rien de moins puisqu’il s’agit de faire un pied de nez au mouvement Supports/Surfaces, dont Jacques Halbert révèle ainsi le nœud, à savoir la frontière entre beaux-arts et arts décoratifs — la décoration étant peut-être le domaine où la peinture se déploie dans sa plus grande pureté, comme partition de sensations colorées.

De même, le caractère potache des dessins de Dominique Forest ne doit pas induire en erreur. Ces derniers rejouent avec humour des œuvres «classiques» de l’art contemporain, mais aussi des notions clef de l’histoire de l’art.
A partir de One and Three Chairs (1965) de Joseph Kosuth, Dominique Forest dessine tout bonnement Une chaise sur une chaise, redoublant ainsi la tautologie au cœur de la démonstration de cet artiste phare de l’Art conceptuel.
Un autre dessin, Alors là, tu vois pas, mais dedans, y’a rien, ironise sur la fameuse boîte de conserve de Piero Manzoni intitulée Merde d’artiste (1961), dont on s’est longtemps demandé quel en était le contenu réel, bien que l’enjeu de cette pièce ait toujours été du côté du geste artistique.
Dans Fenêtre avec vue sur le calme et Ça frôle le porno, ce sont les notions de «fenêtre» — laquelle assimile la peintre à une vitre transparente donnant sur le monde — et d’«abstraction» — trop souvent confondue avec une prétendue immatérialité– qui sont mises sur la sellette.

Les ustensiles dessinés par Daniel Nadaud semblent pour leur part sortir le thème de la nature morte du champ de la métaphysique — relatif à la mort et à la vanité de la vie– qui furent d’abord les siennes pour le ramener au simple inventaire de l’ordinaire.

Quant aux petits nuages en sucre de Francis Raynaud, ils paraissent s’être complètement détachés du poids des maîtres et de l’histoire de l’art.

— Dominique Forest, Alors là, tu vois pas, mais dedans, y’a rien. Encre de chine sur papier. 21 × 15 cm
— Dominique Forest, Quand je bois, même la bouteille est soûle. Encre de chine sur papier. 21 × 15 cm
— Dominique Forest, Il ne se passe rien sur cette île!. Encre de chine sur papier. 21 × 15 cm

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