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Gianni Motti

PMaxence Alcalde
@12 Jan 2008

Si l’artiste transforme en art tout ce qu’il signe, Gianni Motti signe l’actualité et le spectacle du monde. Ce par quoi il jette un regard caustique sur notre monde et sur le monde de l’art. Non pas pour éveiller les consciences, mais pour affirmer l’impuissance de l’art et de l’artiste à changer le monde.

Plus qu’un artiste engagé, Gianni Motti est un faiseur de trouble dont le terrain d’action est le monde. Partant du principe que, dorénavant, tout peut être de l’art du moment qu’il est signé d’un artiste, il s’en donne à cœur joie. Il revendique notamment l’explosion de la navette Challenger (1986), le tremblement de terre de Los Angeles (1992) ainsi que ceux survenus dans la région Rhône-Alpes (1994) et à Genève (1996), sans oublier les éclipses de lune et de soleil de 1996.
Il organise son propre enterrement et sa résurrection miraculeuse lors d’une procession religieuse en Espagne (Entierro No 1, 1987), une déstabilisation télépathique contre le président colombien Ernesto Samper Pisano (1997), et le tour du monde de ses assistants (Gianni Motti’s Assistant World Tour, 1997-1998), etc. Bref, rien de ce qui peut faire l’actualité et le spectacle n’échappe à l’artiste.

Gianni Motti présente à la galerie Jousse Entreprise une série de photographies de la guerre du Kosovo achetée à une agence de presse. Sur ces images qu’il intitule Dommages collatéraux, nous pouvons voir des paysages de montagnes ponctués de chalets d’où sortent des nuages de fumée. Toujours dans la même logique d’appropriation, il signe les actions qui figurent sur ces clichés. Destructions, bombardements, explosions, l’artiste semble tout pouvoir revendiquer. A une époque paranoïaque où les conspirations, même les plus farfelues, trouvent leur audience, c’est sa parole contre celle des médias.

A la fois questionnement sur le pouvoir de l’artiste mais surtout sur celui du monde de l’art, ces œuvres n’apportent aucune réponse au spectateur, au contraire elles le déboussolent. Sans cesse entre information et désinformation, il nous perd astucieusement dans le jeu médiatique. Totalement immergé dans la société du spectacle, l’artiste est conscient qu’il doit lui aussi en être acteur. Mais aujourd’hui, le plus spectaculaire se déroule tous les soirs dans les journaux télévisés face auxquels un artiste ne peut rivaliser. Gianni Motti jette alors un regard caustique sur notre monde et sur le monde de l’art. Le seul effort qu’il fournit est de signer l’actualité. Ainsi en achetant les photographies à une agence de presse, son unique travail a été de les légender et de les exposer à la manière d’œuvres d’art. Il questionne ainsi notre réception d’images du monde importées dans la sphère de l’art contemporain. Son projet n’est pas d’éveiller les consciences, mais seulement de pointer que l’art ne peut rien et que l’artiste non plus, sauf s’il garde son masque de citoyen lambda. Avec Gianni Motti, les meilleures armes ne sont plus les missiles mais les médias.

Gianni Motti :
— Lévitation (en collaboration avec Mister RG), 1995. Cibachrome contrecollé sur aluminium. 160 x 110 cm.
— Entierro n°1, 1989,Ribarteme, Vigo, Espagne. 200 x 135 cm.
— Dommages collatéraux, 2001. Série de 10 « Paysages ». Tirage couleur. 100 x 80 cm.

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