DANSE | SPECTACLE

Avis de Turbulences | Qui a peur du Rose ?

11 Oct - 13 Oct 2018

Y a-t-il couleur plus genrée que le rose ? Avec Qui a peur du Rose ?, la chorégraphe Françoise Tartinville (Cie Atmen) s'empare de la question à bras le corps. Pour un quatuor où le corps et la couleur se fondent en mouvement, font mouvement. Une friandise mi-bienveillante, mi-grinçante.

Avec Qui a peur du Rose ? (2018), la chorégraphe Françoise Tartinville (Cie Atmen) livre un quatuor pour trois danseuses et un danseur. Moment d’humour un peu grinçant, Qui a peur du Rose ? s’attaque à un cliché : le rose et le féminin. Si la chose paraît dérisoire, tout en suscitant quelques moqueries condescendantes, c’est aussi parce qu’elle met mal à l’aise. Peu de couleurs sont aussi clivantes. Nouvelle création, piquante, d’Atmen, la pièce fait se rejoindre plusieurs axes-clés de la compagnie. D’une part, comme son nom le suggère, Atmen [respirer, en allemand] se concentre sur l’essentiel. Sur la chair du mouvement, son énergie organique. Ensuite, comme la respiration en deux temps, Atmen cultive la circulation entre les polarités. Enfin, entretenant des passerelles interdisciplinaires (danse, ars plastiques, musique…), Qui a peur du Rose ? propose une immersion, par le mouvement, dans un élément visuel et symbolique : la couleur.

Qui a peur du Rose ? de Françoise Tartinville (Cie Atmen) : petit précis de colorimétrie

Interprétée par Vincent Delétang, Lucille Mansas, Stéphanie Pignon et Clémentine Vanlerberghe, Qui a peur du Rose ? répond à Émulsion Cobalt (2014). Autre pièce chorégraphique de Françoise Tartinville et Atmen, autour du masculin. Un trio qui était alors interprété par Fabien Almakiewicz, Vincent Delétang et Cyril Geeroms. Après ce bleu cobalt, c’est au tour du rose de capter l’attention. Couleur énigmatique, le rose évoque tour à tour la douceur, l’émotion, la sensibilité… Ambivalente, c’est autant la couleur de l’innocence que celle de l’érotisme. Du rose pâle au fuchsia, c’est aussi la couleur de la chair, de l’organique, de la passion. Ou de la poésie. De Pierre de Ronsard (« Mignonne, allons voir… ») au lancinant « Rose is a rose is a rose is a rose », de Gertrude Stein. Et du beau au sordide, Qui a peur du Rose ? joue ainsi les oscillations entre les possibles.

Sucrée-poivrée : une chorégraphie immersive au sein d’une couleur clivante

Également compositeur de la musique des deux précédents spectacle d’Atmen — Émulsion Colbalt et Inversions Polaires (2016) —, Jean-François Domingues livrera une musique en forme de variations. Avec un thème sonore unique, modulé, étiré, modifié jusqu’à en extraire des accents allant du hard rock, à la musique douce, sucrée. Pour une chorégraphie tout aussi souple, se déplaçant de corps en corps, comme une variation d’état. Et de mouvements neutres en postures bizarres ; de gestes doux se métamorphosant en allures dérangeantes, Qui a peur du Rose ? creusera ainsi la chair de l’étonnement. Une lente esquisse allant crescendo. Jusqu’à cerner ou affirmer ce rose féminin, masculin, doux ou gore. Pour une plongée immersive dans une couleur étrange. Un corps à corps mi-bienveillant, mi-grinçant avec cette couleur aussi adoucissante qu’irritante. Logée au cÅ“ur du festival Avis de Turbulences 2018, Qui a peur du Rose ? y fera ainsi son éclatante première.

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