DANSE | FESTIVAL

Panorama

12 Mar - 21 Mar 2020
Vernissage le 12 Mar 2020

La France accueille un festival de danse en exil. Loin de son Brésil natal, où il a été censuré en 2019, le festival Panorama a lieu cette année au Centre national de la danse à Pantin. La résistance contre le racisme, le sexisme et la censure s’organise à travers les différents spectacles présentés, qui prônent tous le vivre-ensemble et la liberté d’expression dans une société brésilienne fracturée.

Fondé en 1992, le festival de danse Panorama se tient habituellement chaque année à Rio de Janeiro au Brésil. Depuis l’élection du président Jair Bolsonaro, les financements de la culture dans le pays se font peau de chagrin et les annulations d’événements culturels se multiplient. L’édition 2019 du festival Panorama n’a ainsi pas eu lieu, victime de la censure gouvernementale. Cette année, il trouve refuge au Centre national de la danse à Pantin. Dirigée par la chorégraphe Nayse López, la programmation explore l’émancipation du corps vis-à-vis du sexisme, du racisme, de la censure ou de la violence.

Le festival Panorama : la danse comme émancipation du corps assujetti

Au cœur du festival Panorama, se trouve la volonté de décoloniser les corps et les esprits. Le danseur Wellington Gadelha, né dans une favela près de Fortaleza, travaille sur ce qu’il nomme les « corps-roulette-russe », c’est-à-dire les corps des personnes noires, soumis jour après jour aux violences racistes. Dans son solo Gente de Lá, il dénonce le colonialisme et ses conséquences sur le Brésil actuel en termes de ségrégation territoriale, d’inégalités sociales mais aussi technologiques.

Le chorégraphe Luiz de Abreu explore quant à lui les représentations du corps noir sous l’angle des stéréotypes dans son court solo O Samba do Crioulo Doido (La samba du créole fou), interprété par le danseur Calixto Neto. Avec un humour mordant, la chorégraphie se moque de l’image subalterne, exotique et érotique que l’héritage colonial et esclavagiste fait perdurer dans l’inconscient collectif du pays. La danse se fait libératrice en redonnant au corps stigmatisé le statut de sujet et non plus d’objet, mais aussi en le replaçant au cœur de l’identité nationale – parfois littéralement, lorsque les membres du danseur traversent de part en part le drapeau brésilien.

Luiz de Abreu détourne les codes du ballet classique pour servir son propos dans O Samba do Crioulo Doido, tout comme Federica Folso le fait avec ceux du tango dans le spectacle Proyecto Tango. L’ambition de cette danseuse et professeur de danse est de défaire la pratique du tango de ses logiques de domination masculine et de domestication du corps féminin. Les six interprètes de la pièce enrichissent également la sensualité de la danse en sortant de son cadre hétéro-normatif strict. Deux femmes ou deux hommes dansent ensemble et renouvellent ainsi les codes du tango.

Le festival Panorama : interroger le vivre-ensemble et la liberté d’expression par l’art

Les spectacles du festival Panorama interrogent également le vivre-ensemble, la capacité à intégrer la différence ainsi que la liberté d’expression dans la société brésilienne. La courte pièce Intervalo du chorégraphe et interprète Frederico Paredes aborde le sujet à partir du moineau, animal étranger importé tardivement au Brésil et qui s’en prend aux oiseaux locaux, tels que le Tico tico. Le volatile devient le symbole du colonialisme ainsi que des problèmes de violence, de subordination et de discrimination qu’il engendre.

Dans Looping : Paris Overdub, les chorégraphes Rita Aquino, Felipe de Assis et Leonardo França développent un tout autre rapport à la différence et à l’étranger. Il s’agit en effet d’éprouver la capacité de la culture brésilienne à en accueillir d’autres. Le projet connaît ainsi plusieurs variantes selon le pays qu’on tente d’incorporer. Le spectacle prône ainsi le vivre-ensemble et le multiculturalisme, faisant de la danse une pratique qui rassemble et fédère par-delà les différences.

Enfin, la question de l’acception de la différence est posée quant à la diversité d’opinions et à la licence artistique dans la pièce Domínio Público, créée par quatre artistes dont les œuvres ont fait polémique ou ont été censuré au Brésil : Elisabete Finger, Maikon K, Renata Carvalho et Wagner Schwartz. Leur travail commun représente un droit de réponse face aux accusations qui leur ont été faites et interrogent sur les limites de la liberté d’expression dans la société brésilienne contemporaine.

Pour davantage d’informations sur le festival : https://www.cnd.fr/fr/program/group/1855-panorama-pantin

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