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Esthétique des fluides. Sang, Sperme, Merde dans la peinture du XVIIe siècle

Ceux qui pensent que les humeurs les plus sales du corps humain (sang, sperme, urine, etc) sont l’apanage de l’art contemporain et suffisent à caractériser une œuvre de «vulgaire» devraient lire cet ouvrage, qui les convaincra sans doute du contraire.

Information

Présentation
Frédéric Cousinié
Esthétique des fluides. Sang, Sperme, Merde dans la peinture du XVIIe siècle

La représentation picturale des différents fluides corporels – larmes, sang, lait, ou encore bave, excréments, sperme ou sueur – paraît pouvoir réaliser l’exceptionnelle conjonction de l’objet visé par le projet mimétique et de la matière employée.

Ce qui est représenté, l’est avec l’élément même de la représentation et exalte visuellement ce qui en est l’essence : la liquidité, la fluidité, l’écoulement.

Une telle conjonction semble devoir écarter non pas seulement la signifiance des fluides, guère interrogés par l’histoire de l’art, mais jusqu’à l’intermédiaire qui semble nécessaire à la réalisation de la représentation: l’artiste, son pinceau et son art, coupables de réintroduire la forme trop maîtrisée, la ligne trop arrêtée, la matière figée.

C’est, anecdote célèbre et l’un des mythes fondateurs de la peinture occidentale, l’origine de la fameuse «écume» du chien haletant de Protogenes, ou celle des chevaux d’Apelle ou de Néalcès évoqués par Pline, fluide organique complexe et instable dont l’impossible représentation fut finalement réalisée non par les moyens communs de l’art et l’intentionnalité usuelle de l’artiste mais par le «hasard» et la «fortune» du jet furieux d’une éponge, qui peint et dépeint simultanément, sur la peinture imparfaite: «C’est ainsi que, dans cette peinture, la chance produisit l’effet de la nature».

Ce défi représentatif est à nouveau relevé au XVIIe siècle par trois peintres qui s’illustrèrent alors par leur maîtrise de la peinture religieuse, de la peinture mythologique et du paysage : Philippe de Champaigne, Jacques Blanchard, et Claude Le Lorrain.

Dans leurs œuvres, la représentation des fluides, où s’origine toute une esthétique de la fluidité, de la liquidité, de l’écume, de la plasticité et de nos modernes «flux», convoquera simultanément la spiritualité, la mystique, l’érotique et la politique du Grand Siècle.

SOMMAIRE

Introduction
— L’éponge de Protogenes: fluides et objets-limites
— Signifiance des fluides: la lactation de saint Bernard
— Mécaniques des fluides
— Mystique et physiologie des fluides

Chapitre premier. Économie du sang: Le christ mort de Philippe de Champaigne (vers 1650-1654)
— Inframince et proximité
— Proximité et indécision
— Indécision et intentionnalité
— Méditer sur Le Christ mort : sang, plaies, cœur
— Un autre rapport perceptif
— Le tableau percé
— Par delà l’image
— Un autre tableau

Chapitre II. Politique du sperme : Danaé de Jacques Blanchard (vers 1629-1630)
— Imaginaire du sperme
— Du corps du Dieu à la semence divine
— Modèle sexuel et enjeu généalogique
— Origine de l’art et généalogie de la peinture
— Physique et méta-physique de la génération
— Physiologie de l’amour, ordre sexuel et maîtrise de la jouissance
— Genèse humaine, genèse artistique

Chapitre III. Sociologie de la merde : Paysage avec scène de vendange de Claude Lorrain (vers 1641-1642)
Rome ridicule
— Une culture de la scatologie
— Le Lorrain bamboche
Ut pictura poësis (encore ?)
— Du plus haut au plus bas
— Basses œuvres / «Haute philosophie»
— La Raison cynique
— Le Tableau cynique

Conclusion. «Un liquide tableau»

— Extension des fluides?
— Phénoménologie des fluides — Fluides et fluidité
— Fluides et flux