ART | CRITIQUE

Dynasty

PMoïra Dalant
@13 Juil 2010

Le projet de «mettre ensemble» les artistes de la génération des moins de trente ans, l’exposition «Dynasty» aboutit à un panorama disparate et désespéré du monde (de l’art) contemporain. Les œuvres des 40 artistes présentés forment un univers abandonné par l’homme et l’espoir, questionnant le vide de manière quasi métaphysique.

Au Palais de Tokyo, l’entrée en matière de l’exposition se fait en rapports de forces et en ombres, et donne l’impression d’un retour à l’humanité première par le biais de la grotte, des forces sidérurgiques et sépulcrales, en camaïeux de gris. L’espace du musée ressemble à un énorme chantier — à l’instar du sous-sol du Palais — où trônent, comme désorganisées, les œuvres des artistes de la nouvelle génération, dans une perspective de montrer la création émergente.

La première impression est de se trouver dans un monde à reconstruire, devant les friches d’un projet de réanimation de l’art. Les monumentales sculptures de poussière du Chinois Yuhsin U. Chang, les échafaudages de Masahide Otani ironiquement intitulés Je-fait, ou encore les interventions architecturales et solitaires d’Oscar Tuazon guident le visiteur dans sa promenade, en quête de sens.

Le monde contemporain représenté là est un monde en suspension, entre deux âges: un âge mythologique, ancestral (que symbolisent les œuvres de Laurent Le Deunff notamment, sculptures de crâne en ongle ou mammouth de papier mâché) et un âge à venir, dans un vide gris, en friches, répétitif et quelque peu déprimé (Rebecca Digne avec ses films muets aux images répétitives et insistantes, Mains et Matelas, qu’elle conçoit comme des lieux de résistance au temps; ou encore l’atmosphère pesante et sombre de Visionary Iraq, le film Gabriel Abrantes et Benjamin Crotty).

Nombre des œuvres présentées semblent dresser des constats un peu fatalistes. Sans être complètement désespérées, elles ne sont toutefois pas transcendées d’espoir; une triste mélancolie nous submerge au fil des salles «vidées» où la figure de l’homme s’est presque entièrement absentée.
On a la sensation d’un monde vide de passion et de pulsion créatrice, dans lequel il paraît plus aisé de se tourner vers le morbide et la vacuité que vers la vie.
De facto, ce monde-là est gris et l’artiste s’en absente parfois avec dérision «pour cause de gueule de bois» (dixit Cyril Verde et Mathis Collins avec leur pièce Etudes préparatoires au forage du puit artésien du Palais de Tokyo).

La lumière blanche et clinique du Musée d’art moderne de la Ville de Paris contraste avec la chape de plomb qui recouvre le Palais de Tokyo. Le fil directeur qui semble lier chacune des œuvres entre elles, outre celui de montrer une génération d’artistes émergents, n’en est pas moins spleenétique.
Solitude crie les Volets clos de Masahide Otani, sculptures de bétons présentées sur un mur blanc et aveugle, dont le titre éponyme énonce parfaitement ce que l’objet représente: une fermeture. Violence disent les huiles grand format de Jean-Xavier Renaud (voir Les Hurlements ou la représentation d’une femme torturant des nouveaux nés hurlants) ou encore les scènes de règlements de compte de Guillaume Bresson.

L’exposition agit en doublon entre les deux lieux (Palais de Tokyo et Musée d’art moderne de la Ville de Paris), les œuvres présentées dans les deux musées créent des résonances en permanence, construisant un espace imaginaire et virtuel entre les lieux, fil d’Ariane que tente de suivre le visiteur, tant bien que mal.

— Gabriel Abrantes et Benjamin Crotty, Visionary Iraq, 2010, Film 16 mm transféré sur DVD, couleur, son. 17’38’’
— Farah Atassi, Tenement 2, 2009. Huile sur toile, 200 x 160 cm
— Laetitita Badaut-Haussmann, No one returns I, 2010. Simulation du projet pour l’exposition «Dynasty»
— Gaëlle Boucand, Merkaba, 2009. Ailes de papillon, carton. 15 x 15 x 15 cm
— Mohamed Bourouissa, Temps mort, 2009. Film, couleur, son. 18 min. Une production Le Fresnoy-Studio national des arts contemporains.
— Guillaume Bresson, Sans Titre, 2007. Huile sur toile. 33 x 40 cm
— Pierre-Laurent Cassière, Pulse, 2010. Installation sonore. Radiomètre de Crookes, ampoule électrique, caisson de basse, récepteur, capteur, laser.
— Yushin U. Chang, Poussière, 2008. Réalisé in situ pour le projet «Dynasty», 2010
— Stéphanie Cherpin
— Pauline Curnier Jardin, Ami, 2010. Diaporama vidéo. 7 min
— Mélanie Delattre-Vogt, 3. Emballez les extrémités des os avec du papier d’aluminium pour éviter qu’ils ne percent les sacs à congélation, 2010. Extrait d’une série de 21 dessins, «Instructions». Crayon gris, pigments et sang sur papier Arches. 27,9 x 24,9 cm
— Alain Della Negra et Kaori Kinoshita, The Coming Race, 2010. Les guerriers de l’Arc-en-ciel
— Dewar & Gicquel
— Bertrand Dezoteux, Zaldiaren Orena, 2010. Vidéo, couleur, son, 35 min. Photo de tournage
— Rebecca Digne, Matelas, 2008. Film 16mm transféré sur DVD, noir et blanc, muet
— Antoine Dorotte, Blow, 2010. Aquatinte sur zinc, 720 x 400 cm
— Julien Dubuisson, Visite extérieure d’une grotte, 2010. Maquette
— Vincent Ganivet, Caténaires, 2010. Simulation 3D
— Fabien Giraud et Raphaël Siboni, Sans titre (La Vallée Von Uexkull – 1920 x 1080), 2009. Vidéo 4K. 36’
— Camille Henrot, Sur le départ, 2010. Impression jet d’encre contrecollée sur aluminium et encadrée. 170 x 108 cm
— Louise Hervé et Chloé Maillet, L’Homme le plus fort du monde (relevé), 2010. Dimensions variables
— Armand Jalut, Lapin, Smarties (détail), 2008. Huile sur toile. 130 x 97 cm
— Laurent le Deunff, Crâne, 2003. Ongle, glue, pâte à modeler, 6 x 9 x 7 cm. Collection particulière
— Benoit Maire, Esthétique des différends, partie 5, 2009. Plâtre, photographie noir et blanc, impression jet d’encre, stylo sur papier, perspex, carte à gratter, image trouvée.
— Vincent Mauger, Sans titre, 2010. Casiers à bouteilles en polystyrène. Simulation du projet au Palais de Tokyo
— Robin Meier et Ali Momeni, Truce: Strategies for Post-Apocalyptic Computation, 2009. Vue de l’installation à Minneapolis
— Théo Mercier, Green with Anger, 2010. Plâtre, mousse, végétaux. 50 x 50 x 105 cm
— Nicolas Milhé, Meurtrière (Dolomites), 2009. Pin, medium, photographie. 200 x 300 x 25 cm. Vue de l’exposition «Casus belli», Frac Aquitaine, Bordeaux, 2009
— Benoît-Marie Moriceau, The Shape of things to come, 2010. Polyéthylène haute densité. 384 x 227 x 133 cm
— Jorge Pedro Núñez, Hommage à Simon Rodia, The WattsTowers (nuestro pueblo), 2009. En collaboration avec Laetitia Badaut-Haussmann. Installation pour la Bourse de commerce, Cutlog 2009, Paris.
— Masahide Otani, Je-fait, 2006. Contreplaqué. Dmensions variables. Vue de l’exposition «Masahide Otani» à la galerie Cortex Athletico, Bordeaux
— Florian Pugnaire et David Raffini, Casse-Pipe, 2009-2010. Vidéo HD. 45 minutes
— Jean-Xavier Renaud, Le Conseil municipal, 2008. Huile sur toile. 400 x 500 cm
— Raphaëlle Ricol, Mutation interne, 2009. Acrylique, 100 x 81 cm et 146 x 114 cm
— Bettina Samson, Warren, 1/4 de seconde en Cinémascope, 2007. Faïence émaillée, caoutchouc recyclé. 50 x 35 x 50 cm et 800 x 200 cm
— Alexandre Singh, Assembly Instructions (Manzoni, Klein et al.), 2008. Encre, papier, bois. Dimensions variables
— Oscar Tuazon, Kodiac, 2008. Bois, métal, plâtre, photographie. Dimensions variables. Vue de l’exposition «Wood», Maccarone Gallery, New York, 2009.
— Cyril Verde en collaboration avec Mathis Collins, Études préparatoires au forage du puits artésien du Palais de Tokyo, 2010
— Duncan Wylie, Love All, 2010. Huile sur toile. 261 x 370 cm

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