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Détenus

29 Oct - 23 Déc 2005
Vernissage le 29 Oct 2005

Photos de détenus et vidéos de villes accueillant des prisons. Relations entre visages et espaces carcéraux, entre identité et espace politique.

Philippe Bazin
Détenus

Depuis vingt ans, je photographie le visage des autres en relation avec un contexte institutionnel. Je m’appuie sur l’énergie de différentes institutions pour restituer à travers chaque photographie la singularité la plus extrême de chacun. Chaque face est montrée comme l’affirmation d’une présence au monde, faite d’une chair et d’un regard avec lesquels nous devons compter. Mes photographies tendent à éviter tout psychologisme, tout pathos, et ne cherche pas à dévoiler une prétendue intériorité qui ne serait que la projection de mes propres affects. Mon travail n’est pas non plus d’ordre social mais tente de faire le vide de toute présence extérieure à l’être lui-même.

Dépassant une vue à court terme, on peut considérer qu’il établit une sorte de mémoire collective tirée parfois des franges de notre société, redonnant un visage aux personnes retirées d’une visibilité ordinaire. Je me soucie avant tout d’une relation que nous ne devons jamais cesser d’entretenir avec tous les visages de la vie humaine.

C’est dans ce contexte et avec ces intentions que j’ai réalisé le projet Détenus en 1996, projet avorté puisqu’il n’a pu être mené à terme, mais que je reprends en 2005 comme significatif du seul visage que l’institution carcérale ne peut montrer d’elle-même, le visage des hommes enfermés.

Aucune de ces cinq personnes n’est un monstre qui fait peur, toutes ont envisagé et compris les intentions qui étaient les miennes, et les ont acceptées. Montrer son visage, au risque d’être reconnu et stigmatisé comme ancien détenu, est un acte de courage et de sincérité qui s’adresse à nous tous. Il s’agit pour eux cinq, malgré les conditions de l’enfermement qui par essence nient souvent leur humanité, d’affirmer celle-ci. La présentation de ces photographies entend reconnaître tout cela.
Depuis 1996, du temps a passé, le temps nécessaire pour que ces visages se fondent à nouveau peut-être dans l’anonymat de la collectivité. Le temps pour moi de reconsidérer ce projet à la lumière de ce que j’ai fait depuis. Ainsi l’exposition présentée à la Galerie Anne Barrault cet automne 2005 entend-elle confronter ces visages à différentes vidéos en plan fixe réalisées dans des villes au nom marqué par la prison : Fresnes, Loos, Clairvaux, etc… Un paysage d’Ecosse, grande photographie en couleur, incrira aussi un horizon, celui d’une figure problématique telle que le cinéma a pu l’utiliser (Les 400 coups de Truffaut, Sweet Sixteen de Loach), figure de libération tout autant que d’impasse.
C’est dans ce paradoxe qu’entend se situer cette exposition, instaurant à nouveau dans mon travail une relation non équivoque entre le visage et le paysage, reconstruction d’un espace politique inscit entre ces deux figures.

Philippe Bazin

critique

Philippe Bazin

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