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Denis Darzacq. La Chute

Le photographe Denis Darzacq capte les corps de danseurs de hip hop et de capoeira lancés dans l’espace urbain, peu avant la chute. L’effet de ces images est saisissant.

Information

Présentation
Virginie Chardin
Denis Darzacq. La Chute

La série « La chute » met en scène les corps en apesanteur de danseurs de hip hop, de capoeira et de danse contemporaine. Une «chute de l’ange» des années 2000, toute en tension et en énergie, entre ciel et terre.

Juste après la crise des banlieues de 2005, entre pesanteur et gravité, j’ai réalisé des photographies en suspension dans une architecture générique et populaire. J’aime qu’à l’ère de Photoshop, la photographie puisse encore surprendre et témoigner d’instants ayant réellement existé, sans trucages, ni manipulations», explique Denis Darzacq. Dans des cités d’un Paris populaire et urbain, il crée des images baroques de corps en apesanteur, en lévitation. Propulsion. Perte de gravité. Energie. Poussée. Bascule des perspectives. Et une question : que fait-on de cette énergie ? Que fait-on de ces corps qui veulent entrer dans le jeu et qui risquent de s’écraser au sol si on les ignore, si on les laisse tomber ?

Extrait du texte de Virginie Chardin, «La chute, variation sur le thème du saut dans le vide»
« Tout a été réglé à l’avance, tout est prêt. Et les modèles se lancent dans l’espace. Rien de faux dans ces scènes, saisies à un instant qui a bien existé, pas de fiction, nulle retouche ni trucage. Pris dans des cours d’immeubles ou des rues du XIXe arrondissement parisien, de Nanterre et Biarritz, ces jeunes ne jouent que leur propre rôle et se contentent d’effectuer des sauts dans un décor urbain moderne. Le photographe prend des images, n’intervenant que pour donner quelques indications de mouvement. Pourtant, au moment où le saut se produit, l’aléa et la force de gravitation font leur entrée.
Alors l’histoire peut commencer. Celle lointaine d’Icare poussé par son père à prendre son envol, dans une belle tentative de défier les lois de l’univers et de la pesanteur, avant de retomber vaincu par plus puissant que lui. La résistance du rêve à la raison, Newton et Galilée. La jouissance des hauteurs, le bonheur des ardents, des sauvages, des sportifs. La beauté convulsive des figures de style de la danse, de l’athlétisme, du cirque et du jeu vidéo. L’audace de léviter du peintre de l’espace sejetant dans le vide. Le vent de l’inutile, la force et l’espoir d’un désir doux oubliant la froideur des matières et du temps. Le mouvement silencieux qui se fige au moment où l’homme se livre, ou se délivre. Et aussi, l’austérité silencieuse de nos habitats ordinaires, monumentaux mais pauvres, où les discours de l’architecte se dissolvent derrière la patine écaillée et les salissures de la vie quotidienne. L’ironie de Brueghel et du monde devant la grandiose et pathétique tentative de l’oiseau qui se noie. Dédale ou la mélancolie, l’arrogance et son retour de flamme, la désillusion, la descente, le retour au réel, les coups et la douleur, le sol et la terre. Ce qui se passe ensuite ne nous regarde plus. »