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Concours les plus beaux livres français / Prix Fernand Baudin 2008

PMarine Drouin
@20 Mar 2009

Deuxième édition pour Anatome, qui accueille les lauréats d’un concours au libellé aussi simple qu’exigent : les plus beaux livres français, et conjointement, son équivalent bruxellois intitulé Prix Fernand Baudin. Un objectif commun ? Promouvoir deux identités singulières et réunir les professions du livre autour d’un même voeu : qu’il reste un objet pertinent. Jubilatoire et convaincant. 

La vocation durable de ces jeunes concours font qu’une exposition ne suffit pas à juger de leur efficacité ni de l’excellence des livres élus. Pas de podium ni de victoire nominative : la production éditoriale est collégiale et le jury lui ressemble. Plutôt que de rendre l’affaire solennelle, la scénographie permet une circulation libre et la manipulation décomplexée des ouvrages.

Ce n’est pas une exposition de « beaux livres », bien qu’ils soient en majorité des catalogues, des monographies ou des albums illustrés. En témoigne la sélection Fernand Baudin dont on retient les suivants.
Méthodes classe les outils d’un cabinet d’architectes. Une mise en page rhizomique des vues de l’atelier et l’abécédaire continue : esquisses et rayonnages de la bibliothèque se déplient, l’herbier de ville préserve de menus rebuts, les matériaux s’inventorient et les tables d’étude se figent à la Spoerri.
On retrouve cette cuisine de la création dans Dessiner, écrire, penser de Marthe Wéry, qui scanne ses carnets de croquis. La couverture, non collée à la tranche, est l’écrin d’un simple cahier aux pages aussi fines que le support de l’esquisse.
A son contenu, on préfère celui d’Annemi Van Kerckhoven, dont l’album traduit la plasticité. Son format compose avec des séries qui approchent la BD. Le temps n’est pas sectionné et la lecture moins analytique que sensible.
La même continuité rend compte des séries de Malick Sidibé. Sa monographie en noir et blanc alterne des photographies brillantes au cadre mat et des livrets aux allures de vieux fanzines ou de flipbooks, fort adaptés aux danses de ses modèles adolescents.

Chez les français, autant de livres d’art. A noter néanmoins deux essais chez Galade, qui relèvent le défi d’une densité aérée par le rythme cinématographique des très gros caractères des titres et la respiration d’une grande marge à droite. Autrement, une table entière vouée à l’illustration ou quand le livre fait art.
ABC 3D  travaille l’architecture élémentaire du texte. Au fil des pages en relief, on voit le I et le J partager leur point, les queues du Q et du R s’ajouter au O et au P et le Y coulisser pour former un X. Balbutiements du langage. Aussi radical, l’album  Ito  relègue le texte à l’illisibilité d’un dialecte qui permet une recherche typographique gratuite. Doux et séduisant parce que sérigraphié, le récit dépeint aussi violence et complexité par un format encombrant et des accords chromatiques acidulés.
Tout en verticalité, Au pays de Titus dévoile enfin l’univers d’un enfant qui se tait. Face à celui des adultes, graphiquement saturé, le sien distend les durées. Une double page représente le temps consacré à ce geste : « Je fais le tour du visage de maman avec mes lèvres ».

On retient des autres types d’ouvrages celui de Bruno Peinado. Une bible à laquelle il emprunte le papier pour sa transparence, qui préserve le caractère propositionnel de l’aquarelle : 1600 fragments de notre univers communicationnel. Prosaïque et élégant, un beau travail de postproduction.
Egalement intelligent, le catalogue Art is Arp allie le répertoire conventionnel d’oeuvres sur papier glacé au palimpseste de documents sur des feuillets plus fins. De la même façon sont insérés, au sein de l’ouvrage consacré à Angelin Preljocaj, des livrets de références picturales ou musicales. Un tissu qui nourrit le texte offert avec originalité sur des pages de roman et introduit une discontinuité propre à la compréhension d’une oeuvre, hétérogène.
Protégé par un coffret travaillé comme de la verrerie, il n’est pourtant pas un « coffee table book ». Pas de livres intouchables dans cette sélection. Ils interrogent plutôt les propriétés du medium pour mieux le défendre face aux supports concurrentiels. Vivement que d’autres éditeurs participent à ces concours, qui ne reçoivent pas assez de livres de poche, scolaires ou pratiques. Montrons l’énergie éditoriale de nos latitudes jusque dans les domaines où on l’attend le moins.

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