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Come and Play With us for Ever and Ever

PRaphaël Brunel
@12 Jan 2008

En s’inspirant des techniques de la photo publicitaire et du cinéma fantastique, René et Radka investissent le territoire de l’enfance, mettent en scène des instants singuliers qui suggèrent l’imminence d’une catastrophe, la tension d’une situation.

Lauréats en 2006 du «Prague Fashion Photo of the Year», René et Radka ont couvert les campagnes publicitaires de grandes marques de prêt-à-porter et collaboré à de nombreux magazines comme Hype, Icon ou Ware. Issus de la photographie de mode et de publicité, leurs clichés, transférés sur les cimaises de la galerie Philippe Chaume, s’immiscent dans le champ de l’art contemporain, questionnant ainsi les frontières toujours plus minces des pratiques photographiques.

Des pages glacées des magazines aux tirages grand format exposés à la galerie, les photos de René et Radka conservent une iconographie pop, à la fois colorée et lisse, harmonisée par un emploi précis de la lumière, tout en proposant un univers étrange duquel se dégage une tension, un malaise aussi profond que clairement informulé.

Les photos de René et Radka explorent le territoire de l’enfance, ses rêves et sa naïveté, ses craintes et ses tourments. Si, dans une campagne publicitaire antérieure, la mise en situation transposait les enfants dans un univers renvoyant aux codes des adultes ou des adolescents, jouant à la fois sur l’humour et le charme candide produit par ce déplacement des référents, elle semble cette fois définir un espace plus circonscrit, plus étouffant. Le glamour des premières images laisse ainsi place au fantastique et à l’inquiétude.

Une fillette, la mèche blonde claquant au vent, la tête inclinée vers le bas, les yeux plissés, tient un scarabée entre ses mains. Une autre, debout, immobile, sage, serre une peluche. Une troisième sur une balançoire, la tête basculée, les cheveux pendant. Autant de fillettes, apparemment calmes, environnées de leurs jouets familiers, de leurs peluches. Et l’angoisse dans tout cela ?

Elle réside dans le sentiment que ces photographies annoncent le point de rupture, l’imminence de la catastrophe à venir. Le scarabée pourrait pincer la fillette. La balançoire rouillée pourrait céder. René et Radka insufflent suffisamment d’ambigüité dans la mise en scène de leurs images pour que les jeunes filles soient autant menacées que menaces. Qui n’a jamais démantibulé un insecte, arraché un œil ou un bras à sa peluche préférée ?
Cette impression est renforcée par leurs attitudes figées. Utilisant les techniques de la photo publicitaire, René et Radka jouent subtilement avec la lumière pour donner à la surface de leur peau l’apparence laiteuse de la porcelaine, à leur silhouette celle d’une poupée immobile. L’ombre de tout un pan du cinéma fantastique plane sur ces images. On pense à Chucky, plus encore aux jumelles de Shining.

Car les enfants ne sont bien évidemment pas les monstres de l’histoire et ce traitement singulier rappelle leur fragilité. Le labyrinthe de René et Radka, comme celui du film de Kubrick, annonce une épreuve, une initiation dont l’issue est incertaine. Il rappelle qu’ils sont les acteurs d’une histoire qui les dépasse.

Parallèlement aux portraits, des photos de manèges ou de parcs de jeux désertés suggèrent, une fois encore, le scénario du pire, de telle manière que l’image photographique n’est plus seulement un résidu du passé, mais devient aussi la clé d’une d’anticipation, d’un futur imminent toujours signifié.

René & Radka
— Série Come and play with me for ever and ever, 2007. Light jet print, formats 160 x 125 cm, 125 x 125 cm, 125 x 160 cm.

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