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Cinéma

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Pour le dernier clap de fin de la saison, la galerie Noirmont fait son cinéma. Cette dernière séance est l’occasion de croiser les oeuvres de Fabrice Hyber, Bettina Rheims, Pierre & Gilles et de McDermott et McGough.

Moteur. Juste après le festival de Cannes et juste avant la fête du cinéma, la galerie Jérôme de Noirmont fait son cinéma. Elle cède ainsi à la tendance générale qui consiste à faire une expo de groupe pour la dernière de la saison. Elle propose un long travelling sur les artistes maison à travers un parcours cinématographique. La dernière séance est l’occasion de juxtaposer les œuvres polymorphiques de Fabrice Hyber, les photos glamour de Bettina Rheims, les clichés pop de Pierre & Gilles et les images mélancoliques de McDermott et McGough.

Tandis que sur la Croisette on déroulait le tapis rouge et que l’on gravissait les marches, Fabrice Hyber laissait ses bobines de film fouetter ses grandes compositions sinueuses et serpentines. La projection n’était pas au Palais des festivals, mais bien sur la toile. La bobine lâchait son fameux «action» et s’enroulait sur la toile même. Elle s’échouait dans les mailles d’un filet pour s’y débattre comme une anguille. Au lieu d’être un écran de projection, la toile devenait matricielle. Rouage et machinerie à la fois. Elle faisait tourner la baraque et présentait des histoires dans tous les sens, des histoires à suivre, des pistes à suivre, des scripts à travailler, des scénarios à terminer.

Sens dessus-dessous, Bettina Rheims, ex-dernière photographe officielle du président de la République, remplacée depuis par Philippe Warrin le photographe des people, conte fleurette aux starlettes. Elle les déshabille et les croque. Aussi sexy que sensuelle, la flegmatique Kristin Scott-Thomas tombe le masque en retirant sa perruque postiche. La beauté de glace fragile de la plus francophile des actrices britanniques se grime en Greta Garbo.

Pierre & Gilles habillent leurs rêves et costument leurs fantasmes. Chez eux, il faut aller voir du côté des films de Jean Genet. Dans Un chant d’amour, tourné en 1950, les volutes de cigarettes remplacent les turluttes. La fumée est autant une précieuse voie lactée qu’un moyen d’évasion et d’érotisme. Smoke insaisissable pour moment impérissable, cette saillie en forme de nuage foudroie les tatoués autant que les bagnards.
Cette imagerie se retrouve dans les photos avec de beaux bruns et de jolis petits brins de filles, habillées à l’apache ou la Betty Boop. Leur cinéma est celui des doulos et des Gabin. Casquette et mine d’affranchi du mec des fortifs, le cave se rebiffe.
Mais quand ils explorent le cinéma contemporain, la cinéphilie sépia de grand-papa laisse le pas à une pellicule aussi colorée que crash. La célébrité est à chercher dans le porno, et pour mener la barque il faut tenir le manche. «C’est un fameux trois mâts fin comme un oiseau. Hisse et ho! Santiano! Dix huit nœuds, quatre cents tonneaux, je suis fier d’y être matelot».
Relevant le défi, les petits mousses photographiés ressemblent à la goélette d’Hugues Aufray, avec trois mâts et dix huit noeuds. Impressionnant. Le Bo des apprentis acteurs se transforme en gravure priapique pompéienne, la lance en plus. Le septième art est une grande échelle où l’on monte au septième ciel.

Sur l’écran noir de nos nuits blanches McDermott et McGough écrivent en bi-chromie et en cinémascope. Le noir y est une couleur. Le maquillage inonde leur pellicule, la peinture envahit leurs toiles. Leurs belles ont le rimmel qui fout le camp en même temps que leurs jules.
Splich, Bang, BOooh, BOOooum, Pchiii dit leur Comic Streep où les bulles éclatent en même temps que les sanglots des pin up d’appartement. Ces vamps des sixties, ces «desesperate housewifes» avant l’heure, n’impriment plus grand chose de leur quotidien. Héroïnes éplorées, leurs illusions disparaissent dans un dernier retour de bâton, comme un dernier tour de manivelle pour donner le clap de fin.

Fabrice Hyber
— Peinture Homéopathique N°25 (Embobiner), 1986-2007. Collage, huile, fusain et epoxy sur toile. 240 x 500 cm.

McDermott et McGough
— …And My World Went Away, 1965. 2007. Huile sur toile de lin. 152,4 x 121,9 cm.

Pierre & Gilles
— Kick Fighting, 2007. Photographie peinte, pièce unique, encadrée par les artistes. 101,5 x 127,5 cm.

Bettina Rheims
— Kristin Scott Thomas Playing With A Blond Wig, 2002. Série «Pourquoi m’as tu abandonnée?». Tirage couleur. 150 x 120 cm / cadre : 164 x 134 cm.

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