DANSE | CRITIQUE

Cabaret des signes n°5

PNicolas Villodre
@18 Mai 2009

Le Regard du cygne a présenté, mi-mai 2009, son Cabaret des signes n°5, entièrement voué aux chorégraphes et solistes femmes. Le programme, riche et varié, créatif et récréatif, était sérieux comme une papesse mais également teinté de surréalisme — tenté par l’échappée belle et l’envolée poétique. 

La maîtresse de cérémonie, Kataline Patkaï, que nous avions eu le plaisir de découvrir comme duettiste, dans ce même lieu, lors d’une répétition publique de la pièce In-contro d’Erika Zueneli (laquelle figure ici, chacune son tour !, dans le rôle anonyme, mais pas du tout anodin, d’une des cagoulardes, au côté d’Aude Lachaise, Jesus Sevari, Lisa Nogara et Julie Trouverie) a conçu cette soirée de gala en faisant alterner différentes conceptions du spectacle cabaretier, qui vont de la prouesse circassienne à la performance plasticienne, en passant par la musique, la vidéo, le mime, le théâtre — et son double ou son revers : le cabotinage.

Bons enfants, les spectateurs ont exploré les coins et recoins de l’ancien relais de poste des Hauts de Belleville, jusque dans la cour, pavée de bonnes intentions, reliant les espaces entre eux, en suivant docilement les caprices et les indications de Miss Patkaï ou de ses hôtesses.

Le grand studio a servi l’apéritif en proposant d’emblée un extrait de Sisters, un pas de six sensuel, charnel, voluptueux, de Miss Patkaï ainsi qu’une pantomime grinçante, au comique pas vraiment drôle, La Sombre Sautillante d’Isabelle Esposito dans l’esprit et l’ombre d’une autre Isabelle : Isabelle Von Allmen ; puis le public a dû rejoindre le hall d’entrée pour assister à un numéro de café-théâtre à la Copi, un dialogue bilingue, trilingue même, si l’on considère que la danse est un langage, entre Viviana Moin et une comparse d’origine chilienne ; ainsi qu’à une pièce minimaliste, tautologique, « conceptuelle », c.à.d. dans laquelle l’annonciation ou l’énonciation ont valeur d’œuvre, Beatriz chante, qui se réfère, un peu trop respectueusement sans doute, à Joseph Kosuth et se conclut en beauté, sur des airs moyenâgeux, bellement modulés par la photogénique Beatriz Setien Yeregui.

On a par la suite déambulé en direction du bar où Viviana nous a plus ou moins conté l’histoire tragique de sa rencontre avec Billy, le mollusque bourguignon qui ressemble à s’y méprendre à celui d’une réclame pour la salade en sachet, bestiole qu’elle a su parfaitement dompter, apprivoiser, domestiquer, avec laquelle la comédienne s’est mise à danser lascivement ; de retour au bercail, sous le grand chapiteau boisé qui servait de garage aux hippomobiles d’antan, nous avons été gratifiés d’un duo original, limpide, évident après coup, Forces-Leech, imaginé par Ugo Dehaes, avec l’auteur himself et sa frêle interprète, la légère (heureusement pour le gars, qui doit se contenter, comme dans le ballet classique, d’un rôle de porteur !) et délicate Gemma Higgin Botham (dont le patronyme s’écrit parfois « Higginbotham »), dont on dira ce qu’on voudra mais qui est parfaitement équilibrée et qui s’est accrochée jusqu’au bout, ce et comme il faut, suivant les exigences de son contre-emploi de sangsue ; le solo de Julie Trouverie, Mysterious Skin, était à la fois radical, informel et, si l’on peut dire, mutin (dans tous les sens du terme !) : consciemment ou non, la jolie brune piquante a incarné, vêtue d’une peau de bête, le Faune rêvé et révélé par Nijinsky, dont on célèbre précisément ces jours-ci le Centenaire.

Avant le bal final animé par les Vraoums, on a eu droit à un buffet plus urbain que campagnard, à une orgie douce (à toucher avec les yeux), ni vraiment paillarde ni tout à fait païenne, une image pieuse ou, si l’on veut, une parabole, une métaphore de la scène de La Cène dont Kataline Patkaï enrichit en quelque sorte l’iconographie, ayant pour titre Performance culinaire, avec les sculpturales Katia Petrowick, Paloma Moin, Camille Clerchon, Anna D’Annunzio et Lisa Nogara disposées comme des pièces montées, offertes en pâture aux spectateurs (« Ceci est mon corps… »), comme pour signifier et contester le statut de la femme-objet.
N’est-ce pas également la condition de la danseuse face à la toute-puissance du chorégraphe ?

 

— Sisters

Reprise de la pièce crée en 2008 aux rencontres chorégraphiques de Seine-saint-Denis Avec Kataline Patkaï, Aude Lachaise, Jesus Sevari, Erika Zueneli, Julie Trouverie, Lisa Nogara

 

— Krack

Étape de travail du projet en cours. Avec Viviana Moin, Jesus Sevari, Kataline Patkaï

 

 — Performance culinaire

Avec Katia Petrowick, Paloma Moin, Camille Clerchon, Anna D’Annunzio, Lisa Nogara

 

 — Les Vraoums (concert/spectacle)

Avec Maeva Cunci, Virginie Thomas, Pauline Curnier Jardin, Aude Lachaise

 

 — Forces-Leech

De Ugo Dehaes. Avec Ugo Dehaes et Gemma Higgin Botham

 

 — La Sombre sautillante

Étape de travail – Solo d’Isabelle Esposito

 

— Beatriz chante

Solo de Beatriz Setien Yeregui

 

 — Billy

Solo de Viviana Moin

 

 — Mysterious Skin

Solo de Julie Trouverie

 

 

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